Des esprits soupçonneux : Résultats électoraux inattendus,
perception de l’intégrité électorale et satisfaction à l'égard de la démocratie lors des élections présidentielles américaines

Philippe Mongrain


Résumé

De nombreuses recherches ont mis en évidence l’existence d’un fossé entre les gagnants et les perdants des élections en ce qui concerne la perception de l’équité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie. Un aspect négligé de l’écart gagnant-perdant est l’impact des attentes des citoyens concernant les résultats des élections sur ces comportements. Plus précisément, comment les citoyens réagissent-ils aux défaites et aux victoires inattendues ? Les perdants sont-ils moins critiques à l’égard du processus électoral ou insatisfaits de la démocratie lorsqu’ils savent à l’avance que leur parti ou candidat favori risque d’être battu ? L’expérience d’une victoire surprise conduit-elle à une augmentation de la perception de l’intégrité électorale ou de la satisfaction démocratique ? Pour répondre à ces questions, j’utilise les données des enquêtes ANES de 1996, 2000, 2004, 2012, 2016 et 2020. Bien qu’il y ait peu de preuves que les attentes exercent une influence majeure sur les attitudes post-électorales, le caractère inattendu du résultat semble avoir diminué la confiance dans le processus de comptage des votes parmi les perdants, les indépendants et même les gagnants de l’élection de 2020. Les résultats montrent l’influence considérable que les allégations de fraude et les théories du complot peuvent avoir sur l’opinion publique lorsque les élus et les candidats mettent en avant un scénario cohérent de malversations électorales et de corruption dans le but de dénigrer les opposants politiques.

Abstract

A great amount of research has noted the existence of a gap between election winners and losers in relation to perceptions of electoral fairness and satisfaction with democracy. One aspect of the winner-loser gap that has been overlooked is the impact of citizens’ expectations about election outcomes on these attitudes. More precisely, how do citizens react to unexpected defeats and victories? Are individuals on the losing side less critical of the electoral process or dissatisfied with democracy when they recognize beforehand that their favourite party or candidate was likely to be defeated? Does experiencing a surprise victory lead to a boost in perceived electoral integrity or democratic satisfaction? To answer these questions, I use data from the 1996, 2000, 2004, 2012, 2016 and 2020 ANES. While there is little evidence that expectations exert a major influence on post-election attitudes, outcome unexpectedness seems to have decreased confidence in the vote counting process among losers, independents and even winners in the 2020 election. The results show the considerable influence that fraud claims and conspiracy theories can have on public opinion when elected officials and candidates push a consistent story line of electoral malfeasance and corruption in an effort to denigrate political opponents.

Citer cet article

Mongrain, Philippe. 2024. « Des esprits soupçonneux : Résultats électoraux inattendus, perception de l’intégrité électorale et satisfaction à l’égard de la démocratie lors des élections présidentielles américaines ». Nomopolis 2.

INTRODUCTION

Les élections organisées régulièrement sont l’un des principaux mécanismes de régulation des conflits dans les sociétés démocratiques (Przeworski 2018). Pour autant que les règles soient équitables, on s’attend à ce que les citoyens acceptent le résultat d’une élection, qu’ils soient du côté des gagnants ou des perdants (Anderson et al. 2005). La confiance des citoyens dans le processus électoral est donc une condition essentielle à la stabilité et à la longévité des institutions démocratiques, ainsi qu’à l’alternance pacifique du pouvoir.

Les violentes manifestations qui ont précédé et suivi l’élection présidentielle américaine de 2020, fondées sur l’affirmation que le processus électoral était frauduleux et que la victoire avait été « volée » au président Trump, rappellent avec force que la démocratie repose sur le fait que les citoyens acceptent de considérer le résultat d’une élection comme légitime. En 2016 comme en 2020, Donald Trump a suscité chez ses partisans une double attente : il gagnerait facilement et l’autre camp aurait recours à toutes sortes de « coups bas » d’une ampleur sans précédent. Tout au long de sa présidence, Trump a soutenu un certain nombre de théories conspirationnistes sur la fraude électorale, notamment les machines à voter truquées, les bulletins de vote par correspondance contrefaits et jetés, les urnes bourrées dans les villes contrôlées par les démocrates et les votes effectués par des personnes décédées. Le récit du vol des élections lors de la campagne présidentielle de 2020 a encouragé les manifestations et les rassemblements « Stop the Steal » qui ont culminé avec l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021, au cours de laquelle une foule de partisans pro-Trump a perturbé la session conjointe du Congrès réunie pour compter les votes électoraux en prenant d’assaut le bâtiment. Justwan et Williamson (2022) ont constaté que l’exposition aux allégations de fraude électorale était suffisamment convaincante pour réduire la confiance des électeurs de Trump dans l’équité électorale. Comme l’ont noté Eggers, Garro et Grimmer (2021, 6), « la campagne de Trump a fourni tous les éléments indiquant aux candidats perdants comment saper le soutien au vainqueur voire comment voler l’élection. Il semble peu probable qu’ils se privent de tester ces stratégies ».

À la lumière des travaux universitaires antérieurs, la réaction des partisans de Trump après l’échec de sa tentative de réélection n’est guère surprenante, bien qu’elle soit d’une ampleur inégalée. De nombreuses recherches ont mis en évidence l’existence d’un fossé entre les gagnants et les perdants en ce qui concerne la perception de l’équité électorale, la satisfaction à l’égard de la démocratie (satisfaction with democracy – SWD), la confiance dans les institutions politiques et autres comportements. Comme l’indiquent Craig et al. (2006, 579), « les gagnants et les perdants ne réagissent pas toujours avec le même enthousiasme au résultat de l’élection, ni aux institutions et aux processus qui ont permis d’obtenir ce résultat ». Ceux qui font partie de la majorité (c’est-à-dire les citoyens qui ont voté pour le parti au pouvoir ou l’un des partis au gouvernement) sont généralement plus enclins à se dire satisfaits du fonctionnement de la démocratie que ceux qui font partie de la minorité (c’est-à-dire les citoyens qui ont soutenu un parti perdant) (Anderson et al. 2005 ; Henderson 2008 ; Sinclair, Smith et Tucker 2018 ; Singh, Karakoç et Blais 2012). Les résultats des recherches d’Anderson et al. (2005) ont également montré un soutien moindre aux principes démocratiques et une volonté ou un potentiel plus élevé de s’engager dans la protestation politique parmi les perdants.

Un aspect important de l’écart de satisfaction entre les gagnants et les perdants qui a été négligé est l’impact des attentes des citoyens sur les résultats des élections et leur perception de l’intégrité électorale. Plus précisément, comment les citoyens réagissent-ils aux victoires et aux défaites inattendues ? Les perdants sont-ils moins critiques à l’égard du processus électoral ou insatisfaits de la démocratie lorsqu’ils se rendent compte que leur parti ou leur candidat favori est susceptible d’être battu dans les urnes ? L’expérience d’une victoire surprise conduit-elle à une augmentation de la perception de l’équité électorale ou de la satisfaction démocratique ? Leiter, Reilly et Stegmaier (2020, 6) ont affirmé que « lorsqu’ils sont confrontés à une réalité qui ne correspond pas à leurs croyances établies, les citoyens peuvent réagir de manière très négative – un phénomène de plus en plus préoccupant dans les démocraties modernes ». Toutefois, cette affirmation n’a pas encore été pleinement testée dans le contexte de la compétition électorale. Il est primordial de comprendre les facteurs qui influencent la taille et la nature de l’écart entre les gagnants et les perdants, car le consentement des perdants est une condition essentielle à la stabilité des institutions démocratiques. L’existence d’un écart suggère que les élections ne parviennent pas pleinement à conférer une légitimité aux institutions de la démocratie représentative. Selon Nadeau et Blais (1993, 553), « la viabilité de la démocratie électorale dépend de sa capacité à s’assurer le soutien d’une proportion substantielle d’individus mécontents du résultat d’une élection ». En d’autres termes, les mauvais perdants, s’ils sont suffisamment nombreux, peuvent constituer une véritable menace pour la démocratie. Cela peut être particulièrement préoccupant car les effets d’une victoire ou d’une défaite ne sont pas nécessairement de courte durée et peuvent se consolider grâce à des expériences répétées (Anderson et al. 2005 ; Chang, Chu et Wu 2014 ; Dahlberg et Linde 2016 ; 2017 ; Daniller et Mutz 2019). La prolifération de la désinformation et des fausses nouvelles (ou des allégations de fake news) pourrait également créer des attentes irréalistes parmi certains segments du grand public. Comme le mentionne Loveless (2021a, 66), « les fake news offrent à certains un moyen de contourner une réalité qui ne correspond pas à leurs préférences ».

Il y a de bonnes raisons de penser que les attentes non confirmées produisent chez les perdants des émotions négatives : en perdant alors que l’on s’attendait à gagner, on doit supporter à la fois le désagrément de l’imprévisibilité et un résultat qui ne correspond pas à ses propres préférences (Mandler 1975). Par conséquent, la déception causée par une défaite inattendue a un impact potentiellement plus néfaste sur les perceptions d’intégrité et la satisfaction à l’égard de la démocratie que lorsque l’on pressent à juste titre que son parti préféré est en passe d’être battu. De la même manière, gagner alors que l’on s’attend à perdre renforce le sentiment d’équité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie. Des recherches antérieures ont montré à plusieurs reprises que les attentes électorales étaient en grande partie motivées par des préjugés partisans (par exemple, Delavande et Manski 2012 ; Dolan et Holbrook 2001). Par conséquent, le fait qu’un résultat électoral soit inattendu devrait également résulter en partie de ces mêmes biais. De nombreux électeurs vont ainsi anticiper la victoire de leur parti ou de leur candidat favori même si les probabilités sont défavorables ou s’ils sont exposés à des informations de sondage divergentes (Kuru, Pasek et Traugott 2020 ; Madson et Hillygus 2020)[1]. Dans un contexte de polarisation partisane accentuée dans un certain nombre de démocraties avancées, y compris aux États-Unis (Boxell, Gentzkow et Shapiro 2021 ; Dalton 2021 ; Layman, Carsey et Horowitz 2006), et de préoccupations croissantes quant à la désinformation politique (Sindermann, Cooper et Montag 2020 ; Tandoc 2019), les résultats inattendus pourraient impliquer des écarts de plus en plus importants entre les gagnants et les perdants en matière de comportements politiques. Cependant, le lien potentiel entre les attentes (non satisfaites) et le comportement à l’égard du processus électoral et du fonctionnement de la démocratie n’a reçu que très peu d’attention.

L’objectif de cet article est d’explorer l’influence des attentes des électeurs sur leur perception de l’intégrité électorale et sur leur niveau de satisfaction à l’égard de la démocratie dans le contexte des élections présidentielles américaines en utilisant les données de l’American National Election Study collectées entre 1996 et 2020. D’une manière générale, les résultats sont encourageants pour la démocratie. Dans la plupart des élections couvertes par la présente étude, le caractère inattendu des résultats ne semble pas influencer profondément les attitudes post-électorales des individus. Cependant, l’existence d’un écart dans la perception de l’intégrité électorale parmi toutes les catégories de répondants (perdants, indépendants et gagnants) en raison d’un résultat inattendu suite à l’élection de 2020 souligne à quel point le discours soutenu sur les « élections truquées » de cette campagne a pu avoir un impact négatif sur la perception de l’équité par les différents segments de la population et soulève de sérieuses inquiétudes pour les élections à venir.

I. ATTENTES NON CONFIRMEES ET ATTITUDES POLITIQUES

De nombreuses études montrent que les perceptions de l’intégrité ainsi que la satisfaction à l’égard de la démocratie sont fortement influencées par le résultat des élections (voir, par exemple, Levy 2021 ; Sances et Stewart 2015). Selon Anderson et al. (2005, 39), « les perdants sont plus susceptibles de porter un regard critique sur un processus qui ne leur a pas été favorable ». Par conséquent, les croyances en la manipulation des élections s’expliquent en grande partie par un raisonnement partisan. Les perdants sont plus enclins à signaler des actes répréhensibles parce qu’ils se sentent trompés (Edelson et al. 2017 ; Grant et al. 2021 ; Sances et Stewart 2015 ; Sinclair, Smith et Tucker 2018 ; Vail et al. 2022). Les biais partisans et le « deux poids deux mesures » peuvent être particulièrement forts, Beaulieu (2014, 31) ayant conclu que les électeurs américains « ont tendance à ne pas se préoccuper de l’intégrité des élections si leur parti bénéficie d’une fraude potentielle ». En outre, les recherches actuelles sur la polarisation affective montrent que les partisans et les candidats des partis opposés sont de plus en plus considérés comme indignes de confiance (Iyengar et al. 2019), ce qui ne contribue pas à atténuer les soupçons mutuels de comportement frauduleux. On a également constaté que les croyances en la fraude électorale étaient en corrélation avec la pensée conspiratrice, les attitudes populistes et les traits de personnalité antisociaux (Edelson et al. 2017 ; Enders et al. 2021 ; Norris, Garnett et Grömping 2020 ; Sinclair, Smith et Tucker 2018). Selon Edelson et al. (2017, 939), « les prédispositions conspirationnistes influencent fortement la croyance selon laquelle si le candidat soutenu perd, c’est qu’il y a eu fraude ».

En outre, comme nous l’avons déjà mentionné, les perdants ont tendance à exprimer moins de satisfaction à l’égard du fonctionnement du système politique que les gagnants. Selon Chang, Chu et Wu (2014, 235), « Cette proposition repose sur l’idée intuitive que le système politique est plus favorable aux personnes dont le parti favori est au pouvoir, et que les individus ont tendance à favoriser les règles qui les font gagner, alors que les perdants attribuent leur défaite aux règles du jeu électoral ». Dans le cas des élections présidentielles américaines, on pourrait avancer qu’une défaite inattendue lors des élections de 2000 et 2016, où le vainqueur du vote populaire a été battu, est plus susceptible (ou aussi susceptible) d’avoir un impact sur la satisfaction des personnes interrogées à l’égard de la démocratie que d’influencer leur perception de l’intégrité électorale. Les électeurs, en particulier ceux du camp perdant, peuvent considérer qu’il est injuste qu’un candidat remporte plus de voix au niveau national que son principal adversaire et perde néanmoins l’élection. Dans d’autres contextes politiques, on a constaté que des écarts importants entre le nombre de sièges et le nombre de voix diminuaient le soutien aux règles électorales existantes parmi les partisans des partis, quelle que soit leur taille (Plescia, Blais et Högström 2020). Depuis la défaite d’Al Gore en 2000, les démocrates sont beaucoup plus favorables à une modification de la Constitution (c’est-à-dire à un changement du mode de fonctionnement de la démocratie) afin que le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix au niveau national remporte l’élection (Brenan 2020 ; Salzer et Kiley 2022). Il est donc important d’examiner à la fois l’impact des résultats inattendus sur la perception de l’intégrité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie.

Cependant, les recherches existantes n’ont guère pris en compte le rôle potentiel des attentes des électeurs, et en particulier des attentes non satisfaites, pour expliquer leurs sentiments à l’égard de la démocratie et de l’équité électorale. En d’autres termes, les réactions et les attitudes des perdants et des gagnants non confirmés dans leurs attentes* sont-elles différentes de celles des autres électeurs ? La littérature en psychologie suggère que les personnes qui font preuve d’optimisme par rapport à un résultat particulier sont plus susceptibles d’être plus déçues que les personnes pessimistes lorsque la réalité ne correspond pas à leurs attentes (Sweeny et Shepperd 2010). En général, plus l’optimisme est grand, plus le coût des attentes non confirmées est élevé. En d’autres termes, la force des attentes des individus devrait influer sur leur réaction : une plus grande certitude dans un résultat particulier devrait conduire à une plus grande déception face à la non confirmation. Miceli et Castelfranchi (2015, 43-46 – italiques dans l’original) sont peut-être ceux qui résument le mieux les effets psychologiques des attentes non satisfaites :

« La non confirmation d’une attente positive ressemble à une violation et suscite un sentiment de mauvais traitement, comme si l’on subissait une injustice. Plus l’attente positive est forte, plus ce sentiment d’injustice est important. […] Lorsqu’une attente négative est invalidée, l’auteur de l’attente sera bien sûr surpris, mais il est très peu probable qu’il proteste ou qu’il se sente maltraité. En fait, il se sentira soulagé et heureux, car son propre objectif p a été atteint. »

Le modèle « attente/non confirmation » (expectation-disconfirmation – EDM) formalise ces attentes théoriques. Comme mentionné ci-dessus, il a souvent été observé qu’une anticipation erronée d’un résultat tend à créer un état d’inconfort psychologique, qui peut même aller jusqu’au déni. Il est très surprenant que ce fait bien connu soit resté pratiquement ignoré dans les études sur les attitudes post- électorales des électeurs. Le modèle EDM est un paradigme bien connu dans la recherche sur la satisfaction des consommateurs dans le secteur privé (Anderson 1973 ; Cardozo 1965) et a été de plus en plus appliqué aux services publics (Zhang et al. 2022). L’idée principale de ce modèle est simple : « les attentes initiales structurent l’esprit du client […], de sorte que si la performance est nettement inférieure à la norme de comparaison, le client éprouvera une non confirmation négative. Au contraire, si la performance perçue dépasse les attentes, il en résulte une non confirmation positive » (Au et Tse 2019, 292). Il existe également la possibilité d’une « non confirmation zéro » lorsque la performance réelle correspond aux attentes du client (Oliver 2010, 100-101). Par exemple, Tse (2003) a montré que les écarts positifs dans la qualité de la nourriture et du service étaient liés à des pourboires plus élevés, tandis que les écarts négatifs entraînaient des pourboires moins élevés. Il est intéressant de noter que les mauvaises expériences inattendues en matière de restauration sont davantage « punies » que les bonnes expériences inattendues sont récompensées. En fait, l’effet plus important de la non confirmation négative par rapport à la non confirmation positive est cohérent avec les résultats d’un biais de négativité dans les évaluations des consommateurs (Darke, Ashworth et Main 2010 ; Li, Meng et Pan 2020). D’une manière générale, les informations ou les résultats négatifs pèsent plus lourd dans les jugements et les décisions des gens que les informations ou les résultats positifs correspondants (Soroka, Fournier et Nir 2019). Le biais de négativité a été décrit par Baumeister et al. (2001, 362) comme « l’un des principes psychologiques les plus fondamentaux et les plus étendus ».

La figure 1 fournit une représentation visuelle du modèle EDM en lien avec la perception de l’intégrité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie. Comme il s’agit à l’origine d’un modèle de satisfaction du consommateur, quelques clarifications conceptuelles s’imposent. Comme indiqué précédemment, dans la recherche marketing, la non confirmation correspond à l’écart entre la performance attendue et la performance perçue d’un produit ou d’un service. Dans le cas d’une élection, le « produit » est le candidat ou le parti soutenu par un citoyen. La perception de la performance d’un candidat ou d’un parti peut être une question de degré ou une simple évaluation dichotomique. Comme le montre la figure 1, la non confirmation est influencée conjointement par les attentes ou les prévisions d’une personne (lien 1.a) et par le résultat (lien 1.b) – puisque la non confirmation résulte de l’écart entre ces deux éléments. Des attentes plus élevées sont plus susceptibles de produire une non confirmation négative. La nature de la non confirmation affectera le niveau de confiance dans le processus électoral (lien 1.c). Un résultat qui dépasse les attentes d’une personne ou qui correspond à ses attentes[2] conduira à une plus grande confiance ou satisfaction, tandis qu’un résultat décevant entraînera une baisse de la confiance ou de la satisfaction. Les liens 1.a, 1.b et 1.c représentent le modèle de base attentes/non confirmation (Oliver 2010). Il est également possible que les attentes et les perceptions de la performance soient corrélées : le fait d’avoir des attentes élevées pourrait amener un individu à juger un résultat de manière plus positive (lien 1.d). Toutefois, le sens de cette relation potentielle n’est pas précisé. Enfin, tant les attentes que le résultat perçu peuvent exercer une influence directe sur la confiance (liens 1.e et 1.f). Dans le présent article, l’intérêt réside principalement dans le modèle central (c’est-à-dire les liens 1.a, 1.b et 1.c), car ses éléments constitutifs tournent entièrement autour de l’écart entre les attentes et le résultat observé.

Figure 1. Modèle attente/non confirmation. Note : Figure inspirée de Van Ryzin (2004).

Miceli et Castelfranchi (2015) font une distinction importante entre le pseudo-objectif chez un individu de voir sa prédiction confirmée et l’objectif interne de voir son résultat préféré se réaliser. Lorsque l’attente négative d’un individu (par exemple l’anticipation de la défaite de son parti favori) s’avère fausse, l’attente non confirmée pourrait générer une détresse cognitive (parce qu’il y a un écart entre les attentes et la réalité) ; cependant, étant donné que l’objectif interne (c’est-à-dire la victoire son parti préféré) a été atteint, il serait tout à fait naturel que l’individu qui s’est trompé ressente du soulagement et de la joie. Néanmoins, il est probable que les résultats positifs inattendus aient moins d’effet que les résultats négatifs inattendus en raison de la tendance des individus à réagir plus fortement aux événements négatifs qu’aux événements positifs, comme nous l’avons mentionné plus haut.

Seuls quelques chercheurs ont abordé directement l’association potentielle entre les attentes des citoyens et les attitudes post-électorales. L’analyse de Blais et Gélineau (2007) sur la satisfaction des électeurs à l’égard de la démocratie lors des élections fédérales canadiennes de 1997 n’a pas confirmé l’idée que les perdants « optimistes » (défaite inattendue) seraient plus insatisfaits que les perdants « pessimistes » (défaite attendue). Ils n’ont pas non plus constaté que les gagnants s’attendant à une défaite étaient plus satisfaits de la démocratie après l’élection que les gagnants s’attendant à une victoire. Blais et Gélineau (2007) ont néanmoins noté qu’il s’agissait d’un « résultat surprenant, car il existe des raisons théoriques plausibles de supposer que la réaction d’une personne au résultat d’une élection dépend de ses attentes préalables ». En utilisant les données de l’American National Election Study de 2012, Hollander (2014) a obtenu des résultats mitigés concernant l’influence des défaites inattendues sur les attitudes des individus envers la politique et le système politique : alors que les perdants non confirmés dans leurs attentes n’étaient pas plus insatisfaits de la démocratie ou ne faisaient pas moins confiance au gouvernement que les perdants confirmés dans leurs attentes, ils étaient cependant plus enclins à percevoir le gouvernement comme une menace et à exprimer des niveaux de confiance plus faibles dans le processus électoral. Umit (2020) a montré que la satisfaction à l’égard de la démocratie était plus faible chez les partisans du « maintien » lors du référendum sur le Brexit de 2016 qui croyaient à la victoire que chez les partisans du « maintien » qui s’attendaient à perdre. Ce fut particulièrement vrai chez les perdants qui s’attendaient à une victoire importante. Il est intéressant de noter que Schaffner (2020) n’a constaté que des écarts dans les pré-évaluations de l’équité électorale entre les partisans du maintien et les partisans du Brexit en fonction de leurs attentes. Toutefois, « après le référendum, les attentes en matière de résultats n’ont plus eu d’effet significatif sur la perception de l’équité du référendum » (Schaffner 2020, 293).

Il est à noter que deux des quatre articles qui ont directement examiné l’association entre les attentes et les attitudes de soutien au système n’ont pris en compte que les différences entre les gagnants et les perdants en termes de satisfaction à l’égard de la démocratie. Comme le soulignent Linde et Ekman (2003) (et comme le reconnaissent Blais et Gélineau 2007), la question de la SWD ne doit pas être interprétée comme un indicateur des croyances des citoyens sur la légitimité du système démocratique ou de leur acceptation de ses principes directeurs. L’item SWD est surtout une mesure de la performance perçue du régime démocratique. Mais tandis que l’écart de performance est donc plutôt un indicateur de performance du système, la perception de l’équité électorale pourrait être pour sa part une mesure plus claire de la confiance (ou du manque de confiance) des citoyens dans le processus qui permet de désigner les détenteurs du pouvoir, processus qui est l’un des éléments centraux (si ce n’est l’élément central) de la démocratie représentative (Flesken et Hartl, 2020). Norris, Frank et Martínez i Coma (2015, 6) affirment qu’il existe de nombreuses preuves empiriques à l’appui de « l’affirmation selon laquelle les perceptions de l’honnêteté ou de l’équité des élections sont en effet généralement liées à des indicateurs socio-psychologiques de légitimité, y compris une confiance faible ou en déclin dans les autorités élues, un manque de confiance dans l’équité des procédures et des autorités électorales, et le scepticisme quant à l’honnêteté du résultat ». Les évaluations de l’intégrité électorale par les citoyens ne sont pas sans conséquences : par exemple, les personnes qui perçoivent les élections comme étant équitables sont plus susceptibles de voter que celles qui voient des failles dans le processus électoral (Birch 2010 ; Sinclair, Smith et Tucker 2018). Norris (2014) a également démontré que les perceptions de mauvaises pratiques électorales tendent à encourager l’activisme protestataire, comme la participation à des manifestations pacifiques ou l’adhésion à des grèves politiques. La perception de problèmes liés aux élections pourrait également avoir un effet négatif sur la satisfaction démocratique (Norris 2019). L’élection présidentielle américaine de 2020 a également montré que ces mêmes perceptions d’iniquité et d’injustice pouvaient conduire à la violence pure et simple (Kydd 2021 ; Piazza 2022 ; Pope 2022).

Malgré des résultats mitigés, la recherche existante fournit suffisamment d’arguments théoriques pour poser trois hypothèses connexes décrivant les liens potentiels entre les attentes et les perceptions de l’intégrité électorale ainsi que la satisfaction à l’égard de la démocratie :

Hypothèse 1

Les perdants non confirmés dans leurs attentes auront moins confiance dans le processus électoral et seront moins satisfaits de la démocratie que les perdants qui avaient correctement prédit la défaite de leur candidat favori.

Hypothèse 2

Les gagnants non confirmés dans leurs attentes afficheront une plus grande confiance dans le processus électoral et une plus grande satisfaction à l’égard de la démocratie que les gagnants qui ont correctement prédit la victoire de leur candidat favori.

Hypothèse 3

Plus l’écart entre les attentes et la réalité s’accroît, plus l’effet positif (ou négatif) des attentes non-satisfaites sur la confiance dans le processus électoral et la satisfaction à l’égard de la démocratie pour les gagnants (ou les perdants) inattendus s’accentue.

À la lumière des éléments probants indiquant une asymétrie entre les informations positives et négatives, une quatrième hypothèse peut être formulée :

Hypothèse 4

L’effet des défaites inattendues sera plus important que celui des victoires inattendues (en d’autres termes, nous devrions trouver plus d’éléments en faveur de H1 que de H2).

II. DONNEES ET METHODES

Les données ont été tirées de l’American National Election Study (ANES) de 2020. L’ANES 2020 a été spécifiquement choisie parce qu’elle comprend à la fois une mesure post-électorale de la satisfaction à l’égard de la démocratie et une mesure pré- et post-électorale de la perception de l’intégrité électorale, ainsi que les informations nécessaires concernant les attentes des électeurs. Avec un panel pré-/post-électoral, il est possible de contrôler les niveaux antérieurs de perception de l’intégrité électorale et, par conséquent, d’isoler plus précisément l’impact des attentes des répondants (Blais et Gélineau 2007, 428). La possibilité de mesurer les niveaux antérieurs de perception de l’intégrité électorale signifie que nous pouvons évaluer le changement d’attitude des personnes interrogées avant et après l’élection. Cela nous rapproche d’une démonstration causale (Hillygus et Snell 2018). En raison du nombre inhabituel d’allégations de fraude formulées par le président Trump et ses partisans, l’élection de 2020 est probablement l’un des cas les plus intéressants pour étudier la perception de l’équité électorale par les citoyens. En même temps, cela soulève la question de savoir dans quelle mesure les idées et les leçons tirées de cette élection peuvent être généralisées. Afin de mieux contextualiser les résultats obtenus à partir de l’ANES 2020, j’utilise également des données complémentaires provenant des élections présidentielles de 1996, 2000, 2004, 2012 et 2016 (voir la section A de l’annexe en ligne pour les données exactes ; l’annexe complémentaire se trouve sous la rubrique « Matériel complémentaire » sur le site web de la revue Political Research Quarterly). Tous les modèles ont été estimés par régression selon la méthode des moindres carrés ordinaires. Le tableau 1 ci-dessous présente une vue d’ensemble des résultats des élections présidentielles américaines et des prévisions des répondants de l’ANES entre 1996 et 2020[3].

Tableau 1. Résultats des élections présidentielles américaines et des prévisions des citoyens, 1996-2020*.

Note : Les résultats ont été récupérés par The American Presidency Project. Résultats électoraux tirés de The American Presidency Project. Pourcentage de prévisions correctes des citoyens calculé à partir des données de l’American National Election Study. Le bleu indique le résultat pour les candidats démocrates (D) et le rouge indique le résultat pour les candidats républicains (R). *L’élection de 2008 n’est pas prise en compte.

Il convient de noter que les entretiens postélectoraux entre 1996 et 2020 ont généralement été menés entre le lendemain de l’élection et la fin décembre/janvier[4]. Le matériel de reproduction de cet article est déposé dans le Harvard Dataverse à l’adresse : https://doi.org/10.7910/DVN/HLEIAH

A. Variables dépendantes

Comme mentionné ci-dessus, le présent document étudie l’impact des attentes non satisfaites sur (a) la perception de l’intégrité électorale et (b) la satisfaction à l’égard de la démocratie. Les perceptions de l’équité électorale ont été mesurées différemment d’une enquête à l’autre. Les personnes interrogées dans le cadre de l’ANES 1996-2004 se sont vu présenter l’énoncé et la question suivants : « Dans certains pays, les gens pensent que leurs élections se déroulent de manière équitable. Dans d’autres pays, les gens pensent que leurs élections ne sont pas équitables. En ce qui concerne les dernières élections aux États-Unis, où les situeriez-vous sur cette échelle de 1 à 5, où 1 signifie que les dernières élections se sont déroulées de manière équitable et 5 qu’elles se sont déroulées de manière inéquitable ? » Dans l’ANES 2012-2020, la question suivante a été posée aux répondants : « Selon vous, à quelle fréquence les choses suivantes se produisent-elles dans les élections de ce pays : Les votes sont comptés de manière équitable ? » Il y avait quatre catégories de réponses possibles en 2012 (c’est-à-dire très souvent, assez souvent, pas souvent ou pas du tout) et cinq en 2016 et 2020 (c’est-à- dire tout le temps, la plupart du temps, environ la moitié du temps, une partie du temps ou jamais). L’échelle de cinq points a été ramenée à une échelle de quatre points en fusionnant deux catégories (c’est-à-dire « environ la moitié du temps » et « une partie du temps »). Ces questions ont été posées dans les enquêtes postélectorales. Étant donné que la question de l’intégrité électorale perçue dans l’ANES 2012-2020 se réfère à toutes les élections organisées aux États-Unis et non à l’élection générale la plus récente, il est possible que des répondants pensent qu’une élection spécifique a été truquée ou injuste sans nécessairement croire que toutes les élections organisées dans un passé proche ou lointain ont été entachées d’irrégularités. Cela signifie que nous risquons de sous-estimer l’association entre un résultat inattendu et les perceptions de l’intégrité électorale. Il est également possible que l’évaluation globale de l’intégrité électorale aux États-Unis soit principalement influencée par l’opinion des citoyens sur l’élection la plus récente. Cela serait conforme à l’axiome de réponse de Zaller (1992, 49 – italiques ajoutés), selon lequel « les individus répondent aux questions de l’enquête en faisant la moyenne des considérations qui sont immédiatement saillantes ou accessibles pour eux ».

La satisfaction à l’égard de la démocratie a été mesurée dans les six enquêtes post-électorales de l’ANES par la question standard : « Dans l’ensemble, êtes-vous très satisfait, assez satisfait, pas très satisfait ou pas du tout satisfait du fonctionnement de la démocratie aux États-Unis ? » Les variables dépendantes ont été codées de telle sorte que la valeur la plus élevée représente le niveau le plus élevé de perception de l’intégrité électorale ou de satisfaction à l’égard de la démocratie.

B. Variables indépendantes

Les attentes des électeurs quant au résultat de l’élection présidentielle constituent la principale variable indépendante qui nous intéresse. On a simplement demandé aux répondants de l’ANES qui, selon eux, serait élu président lors de l’élection de novembre (c’est-à-dire le candidat démocrate, le candidat républicain ou un autre candidat). Pour évaluer l’impact des attentes sur les perceptions de l’intégrité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie, un terme d’interaction entre le statut électoral des répondants (perdants, indépendants/autres, gagnants) et une variable binaire indiquant si le résultat était attendu (prévisions correctes) ou inattendu (prévisions incorrectes et réponses « ne sait pas ») a été créé. L’identification du parti des répondants (avant la vague électorale) a été utilisée pour déterminer si un individu se trouvait dans le camp des perdants ou des gagnants (les sympathisants ont été considérés comme des partisans). À titre de vérification de la robustesse, toutes les analyses ont été réexécutées en utilisant le vote déclaré par les répondants au lieu de l’identification du parti afin de distinguer les gagnants des perdants. Ces analyses sont disponibles dans l’annexe complémentaire. Aucune différence majeure n’a été constatée dans les résultats.

La force des attentes des électeurs a été mesurée à l’aide d’une question demandant aux répondants s’ils pensaient que l’élection présidentielle serait serrée ou que le candidat qu’ils prédisaient comme vainqueur « gagnerait largement » (les prédictions de large victoire ont été codées 1 et les prédictions d’élections serrées ont été codées 0). Les défaites inattendues devraient entraîner une plus grande méfiance à l’égard de l’intégrité électorale lorsque les perdants s’attendaient à une victoire facile de leur candidat préféré. En revanche, les gagnants non confirmés dans leurs attentes pourraient voir leur perception de l’intégrité électorale renforcée s’ils pensaient que le candidat adverse gagnerait facilement.

Le fait d’être gagnant ou perdant (ou de s’attendre à l’être) n’est évidemment qu’un des nombreux facteurs qui peuvent influencer la perception de l’intégrité électorale ou la satisfaction à l’égard de la démocratie. Comme nous l’avons déjà mentionné, les variables liées à la « méfiance » présentent souvent une corrélation positive avec les croyances en matière de fraude électorale et d’actes répréhensibles. Étant donné qu’il n’existe aucune preuve crédible de fraude électorale massive aux États-Unis (Eggers, Garro et Grimmer 2021 ; Minnite 2011), toute croyance affirmant le contraire peut être qualifiée de conspirationniste par nature. La pensée conspirationniste consiste principalement à ne pas faire confiance aux autorités établies et aux explications « officielles » des événements. Les théories du complot impliquent que de petits groupes d’individus puissants agissent en secret, cachant la vérité au grand public pour leur propre bénéfice politique ou économique (Douglas et al. 2019 ; Uscinski, Klofstad et Atkinson 2016). Les ANES 2012, 2016 et 2020 comportent chacune une petite batterie d’items liés à la pensée conspiratrice ou aux croyances « non conventionnelles ». Alors que l’ANES 2020 comprend des indicateurs plus larges de la pensée conspirationniste (par exemple, « Une grande partie de ce que les gens entendent à l’école et dans les médias sont des mensonges conçus pour empêcher les gens d’apprendre la vérité sur ceux qui sont au pouvoir »), la croyance dans les théories du complot dans les ANES 2012 et 2016 a été évaluée en relation avec des événements ou des sujets spécifiques (par exemple, le lieu de naissance de Barack Obama). Dans chaque cas, ces éléments ont été utilisés pour créer un indice de pensée conspirationniste (voir également la section E de l’annexe complémentaire). Malheureusement, aucune mesure de ce type n’était disponible dans l’ANES 1996-2004.

Logiquement, les individus qui ont une vision cynique de la politique devraient aussi avoir moins confiance dans le processus électoral et être moins satisfaits de la démocratie que les autres (Karp, Nai et Norris 2018). Dans le présent document, le cynisme politique est un indice composé de différents éléments. Seuls les éléments inclus dans les enquêtes préélectorales ont été pris en compte, car les attentes non satisfaites pourraient avoir une influence sur les niveaux de cynisme politique post-électoraux (mais voir la section I de l’annexe complémentaire). Une mesure complémentaire des mentalités soupçonneuses a été ajoutée aux modèles, à savoir la méfiance sociale (c’est-à-dire le manque général de confiance dans les autres individus). Une fois encore, ces mesures préélectorales n’ont été trouvées que dans l’ANES 2012-2020[5]. Les questions spécifiques utilisées sont présentées dans la section B de l’annexe complémentaire. Outre les variables présentées ci-dessus, j’ai également contrôlé l’âge, le sexe, la race, le niveau d’éducation, le revenu et les connaissances politiques factuelles des répondants. Les groupes économiquement et socialement favorisés (c’est-à-dire ceux qui ont un niveau d’éducation élevé, des revenus plus importants et les hommes) sont potentiellement plus satisfaits du fonctionnement de la démocratie et des institutions. Karp, Nai et Norris (2018) ont constaté que les électeurs politiquement avertis étaient plus susceptibles de faire confiance au processus électoral. Les personnes ayant un niveau d’éducation élevé sont également moins susceptibles de croire aux théories du complot (van Prooijen 2017). En outre, ces variables de contrôle sont particulièrement importantes car le fait de considérer le résultat comme inattendu pourrait lui-même être influencé par des caractéristiques socio-démographiques (bien que les preuves soient mitigées) ainsi que par la sophistication politique (Mongrain 2021 ; Morisi et Leeper 2022). Tous les modèles incluent également des effets fixes régionaux. Étant donné que les évaluations économiques pourraient également façonner les opinions des citoyens sur la performance du régime (Campbell 2015 ; Christmann 2018 ; Quaranta et Martini 2016), les modèles SWD incluent les évaluations économiques égotropiques et sociotropiques rétrospectives et prospectives des répondants.

Enfin, dans l’ANES 2020, les perceptions de l’intégrité électorale ont été mesurées avant et après l’élection. Un modèle pré-post a été créé pour l’élection présidentielle de 2020. Dans l’enquête préélectorale, on a demandé aux répondants dans quelle mesure ils pensaient que les votes seraient comptés avec exactitude (c’est-à-dire pas du tout, un peu, modérément, très ou tout à fait) lors de l’élection générale. Bien que les mesures de l’intégrité électorale avant et après l’élection ne soient pas exactement les mêmes, elles sont suffisamment similaires pour garantir qu’une interaction statistiquement significative entre le statut électoral des répondants et leurs attentes n’est pas due à l’incapacité de contrôler les attitudes préexistantes en matière d’équité électorale.

III. RESULTATS

A. Écart inattendu-attendu

La figure 2 présente les principaux résultats[6]. Le panneau de gauche montre l’ampleur de l’écart inattendu-attendu dans la perception de l’intégrité électorale chez les perdants, les indépendants et les gagnants pour chaque élection. Cet écart correspond à la différence moyenne entre les personnes qui ont mal prédit le résultat et celles qui l’ont correctement anticipé dans chaque groupe de répondants (perdants, indépendants/autres et gagnants).

Figure 2. Écart inattendu-attendu dans la perception de l’intégrité électorale et la satisfaction à l’égard de la démocratie en fonction du statut électoral du répondant, 1996-2020. Note : Les lignes verticales représentent les intervalles de confiance de 95%.

Dans la première série d’élections (1996-2004 ; équité de la dernière élection), les perceptions de l’intégrité électorale ne semblent avoir de l’importance que pour l’élection présidentielle de 2004. En 1996, la grande majorité des personnes interrogées par l’ANES ont correctement prédit la réélection de Bill Clinton. Pendant toute la campagne, Clinton a conservé une avance significative sur son adversaire républicain dans les sondages d’intentions de vote. Compte tenu de la faible variation du caractère « inattendu » des résultats en 1996, l’absence de résultats statistiquement significatifs n’est pas surprenante.

Les résultats statistiquement non significatifs de l’élection de 2000 pourraient s’expliquer par l’annonce tardive du résultat (Halliez et Thornton 2022). Bien qu’il ne fasse aucun doute que le litige du recomptage en Floride et la défaite d’Al Gore, pourtant vainqueur du vote populaire, ont été des sources importantes de mécontentement parmi les électeurs démocrates, l’enquête post-électorale ANES 2000 (qui demandait aux répondants d’évaluer l’équité du processus électoral) a été menée sur le terrain pendant une période de plusieurs semaines au cours de laquelle aucun président élu n’avait été nommé, ce qui a pu être une cause de confusion ou d’incertitude parmi les électeurs. Il faut également envisager la possibilité que certains gagnants de l’élection de 2004 sont quelque peu surprenants. La défaite de John Kerry en 2004 a alimenté les théories du complot et les allégations d’irrégularités électorales généralisées, en particulier les irrégularités électorales commises par les Républicains de l’Ohio qui auraient pu coûter la présidence à Kerry (Gumbel 2008, 1112). L’écart négatif et statistiquement significatif dans la perception de l’intégrité électorale entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés dans leurs attentes (-0,42 point) est conforme à H1. Cependant, l’écart négatif et statistiquement significatif dans la perception de l’intégrité électorale entre les gagnants non confirmés dans leurs attentes et confirmés (-0,53 points) est contraire à H2 et plus difficile à expliquer. Les républicains qui pensaient que George W. Bush pourrait n’effectuer qu’un seul mandat étaient apparemment moins confiants que leurs collègues partisans plus « optimistes ». Dans la deuxième série d’élections (2012-2020 ; décompte équitable des voix), nous trouvons des preuves supplémentaires à l’appui de H1. Lors des élections présidentielles de 2012 et 2020, les perdants non confirmés dans leurs attentes étaient moins confiants dans le processus électoral que les perdants confirmés dans leurs attentes (-0,13 point et -0,51 point, respectivement). Il est intéressant de noter que, comme en 2004, les gagnants non confirmés dans leurs attentes de ces deux élections étaient manifestement plus méfiants à l’égard du processus électoral que les gagnants confirmés (-0,15 point et -0,30 point, respectivement). L’ampleur de l’écart entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés (mais aussi les indépendants et les gagnants) est particulièrement impressionnante en 2020, car les répondants ont été interrogés sur la fréquence à laquelle les votes ont été comptés équitablement lors des élections américaines, et non uniquement lors de l’élection présidentielle la plus récente[7]. Les résultats de l’élection de 2016 laissent perplexe pour au moins trois raisons. Tout d’abord, comme le montre le tableau 1, seul un tiers de l’échantillon de l’ANES (moins de 4,5 % des démocrates, 4,3 % des indépendants et 25 % des républicains) a correctement prédit la victoire de Donald Trump, ce qui témoigne de la nature surprenante de cette élection, tant chez les perdants que chez les gagnants, ce qui, en théorie, aurait dû susciter de vives réactions. Les sondages d’intentions de vote et les projections des agrégateurs de sondages, avec des cotes largement en faveur de Clinton, ont probablement contribué à la surprise (Kennedy et al. 2018). Deuxièmement, outre le style de campagne grandiloquent et les déclarations farfelues de Trump, l’élection de 2016 a été particulièrement controversée, les deux camps exprimant de sérieuses inquiétudes quant à l’équité de la campagne : les allégations concernant les soi-disant « électeurs zombies » et les immigrés clandestins votant par millions, les affirmations de couverture médiatique biaisée et les craintes d’ingérence russe ont toutes été des caractéristiques dominantes de la campagne de 2016. Enfin, c’est la deuxième fois en moins de 20 ans que les partisans démocrates ont dû accepter la défaite de leur candidat malgré la moins bonne performance du candidat républicain au vote populaire, ce qui pourrait avoir eu un impact sur la perception de l’équité électorale.

La colonne de droite de la figure 2 présente les résultats concernant la satisfaction à l’égard de la démocratie. Comme on peut le voir, il n’y a pratiquement aucune preuve d’une différence entre les électeurs en fonction de leurs attentes. D’une manière générale, en ce qui concerne les perceptions de l’intégrité électorale, je ne trouve qu’un soutien limité en faveur de H1 et absolument aucun soutien en faveur de H2 : là où des écarts significatifs ont été identifiés, les gagnants non confirmés dans leurs attentes étaient plus, et non moins, méfiants à l’égard de l’intégrité électorale que les gagnants confirmés. Il convient également de noter que les résultats ne fournissent pas vraiment de preuves en faveur de H4 : en général, l’écart entre les gagnants non confirmés dans leurs attentes et les gagnants confirmés ne semble pas substantiellement plus petit que celui entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés, nonobstant le fait que les gagnants non confirmés dans leurs attentes ne semblent pas réagir positivement à la non confirmation.

B. Étroitesse attendue de l’élection

Comme nous l’avons déjà mentionné, la force des attitudes post-électorales des citoyens pourrait également dépendre du degré de certitude de leurs attentes. Il a été demandé aux répondants de l’ANES s’ils pensaient que le résultat de l’élection présidentielle serait serré ou non. Les citoyens qui s’attendaient à une victoire facile, voire à un raz-de-marée pour leur candidat favori, devraient être les plus déçus face à la défaite et les plus enclins à remettre en question la légitimité du résultat. La répartition des perdants, des indépendants et des gagnants en fonction de la force de leurs attentes n’apporte que peu d’éléments à l’appui de H3. Ce n’est que pour les élections de 1996 et de 2020 que nous trouvons des différences statistiquement significatives. En 2020, l’écart entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés dans leurs attentes est plus important parmi ceux qui ont perçu à tort l’élection comme relativement peu compétitive pour leur candidat favori (-0,88 point contre -0,35 point).

Les écarts entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés dans leurs attentes, qui ne sont pas apparents dans la figure 2, se révèlent également une fois que les perceptions de l’étroitesse de l’élection sont prises en compte. En 1996, les partisans républicains qui pensaient que Bob Dole battrait facilement le président Clinton étaient beaucoup plus susceptibles d’exprimer des niveaux inférieurs de perception de l’équité électorale que leurs copartisans qui prédisaient une victoire facile pour Clinton (-1,33 points). Il n’y a pas d’écart de ce type, cependant, parmi les Républicains qui ont prédit une victoire difficile pour Clinton ou Dole. Enfin, en 2020, les républicains qui pensaient que Trump serait facilement réélu ont exprimé, en moyenne, beaucoup moins de satisfaction à l’égard de la démocratie que leurs copartisans qui prédisaient une victoire facile de Biden (-0,49 point). Une fois de plus, il n’y a pas d’écart de ce type parmi les Républicains qui prédisaient une victoire difficile de Biden ou de Trump. Voir la section F de l’annexe complémentaire pour les figures correspondantes.

C. Structure avant-après

Toutes les analyses précédentes s’appuient sur une mesure post-électorale de la perception de l’intégrité électorale et de la satisfaction à l’égard de la démocratie. L’ANES 2020 nous offre la rare opportunité d’utiliser un modèle pré-post sur les croyances en l’intégrité électorale. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour la satisfaction à l’égard de la démocratie. Dans l’enquête préélectorale de l’ANES de 2020, on a demandé aux répondants dans quelle mesure ils pensaient que les votes seraient comptés avec exactitude lors des élections générales de novembre. Le tableau C.1.7 de l’annexe complémentaire présente les coefficients de deux modèles. Ces deux modèles incluent la mesure préélectorale de l’intégrité. Le premier modèle n’inclut aucun des contrôles utilisés précédemment (croyances de conspiration, cynisme politique, méfiance sociale, connaissances politiques, etc.). Les écarts entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés, les indépendants et les gagnants constatés précédemment restent statistiquement et substantiellement significatifs dans les deux modèles présentés dans le tableau C.1.7. Les électeurs de l’élection présidentielle américaine de 2020 qui ne s’attendaient pas à une défaite (c’est-à-dire les partisans républicains pour la plupart) ont abaissé, en moyenne, leur évaluation de l’intégrité électorale après le jour de l’élection par rapport aux électeurs qui s’attendaient à perdre, d’environ 0,52 point. Les baisses de perception de l’intégrité électorale ont été moins prononcées chez les indépendants et les gagnants qui n’avaient pas prévu la victoire de Biden, mais elles n’étaient pas négligeables (-0,34 point et -0,28 point, respectivement). C’est ce à quoi l’on pouvait s’attendre compte tenu de l’ampleur des allégations de malversations électorales et de fraudes systématiques de la part du président Trump et de ses alliés pendant et après la campagne (Benkler et al. 2020). Trump n’a cessé d’affirmer qu’il gagnerait haut la main, tout en insistant sur l’idée qu’une victoire de Biden indiquerait clairement que le Parti démocrate s’est rendu coupable de malversations électorales. Plusieurs sondages réalisés dans les mois qui ont suivi l’élection présidentielle de 2020 ont révélé qu’une majorité de républicains estimaient que la victoire de Joe Biden n’était pas légitime (Cuthbert et Theodoridis 2022).

IV. DISCUSSION ET CONCLUSION

Les inquiétudes concernant la montée du ressentiment et de l’hostilité partisans sont régulièrement exprimées. Bien qu’une grande partie de la recherche sur la polarisation politique se concentre spécifiquement sur le cas américain, la politique partisane clivée est devenue un phénomène répandu avec des conséquences redoutables pour de multiples démocraties, qu’elles soient établies ou nouvelles. Comme le soulignent Carothers et O’Donohue (2019, 2), « Cela exacerbe l’intolérance et la discrimination, diminue la confiance de la société et augmente la violence dans toute la société ». Par conséquent, la manière dont les citoyens gèrent les résultats politiques décevants et inattendus devrait constituer un domaine de recherche de premier plan. Les attentes électorales non satisfaites peuvent créer des déficits dans la perception de la légitimité. Dans une étude classique, Festinger, Riecken et Schachter (1956) ont examiné la manière dont les membres d’une secte réagissaient aux prophéties non réalisées. Ils ont observé que certains membres d’une petite religion apocalyptique d’OVNI à Chicago (les « Seekers ») sont devenus plus croyants lorsque leur prédiction d’un événement catastrophique a été démentie – les disciples étaient censés être sauvés par des extraterrestres d’une grande inondation qui allait engloutir une grande partie du territoire des États-Unis.

Lorsque la réalité ne correspond pas à nos attentes, nous ressentons normalement des émotions telles que la déception, le regret, la frustration et même des formes plus graves de détresse mentale (voir, par exemple, Culatta et Clay-Warner 2021 ; Polivy et Herman 2000 ; Seyd 2016 ; Zeelenberg, van Dijk, Manstead et van der Pligt 2000). Avec la polarisation croissante aux États-Unis (Pierson et Schickler 2020), il semble que les réactions de type backlash face à des informations dissonantes, comme celle décrite par Festinger, Riecken et Schachter (1956), deviennent monnaie courante dans la politique américaine. Par exemple, Madson et Hillygus (2020) ont constaté que les électeurs se radicalisaient par rapport à leurs opinions antérieures lorsqu’on leur présentait des résultats de sondages discordants. Une autre étude récente de Harmon-Jones, Harmon-Jones et Denson (2020) a montré que la dissonance causée par l’exposition aux actes répréhensibles présumés d’un candidat (c’est-à-dire Donald Trump) incitait les partisans à souligner les actes répréhensibles de son adversaire (c’est-à-dire Hillary Clinton).

Dans le contexte d’une élection, les défaites surprises devraient avoir une influence négative sur l’attitude des citoyens à l’égard de la politique. Les victoires électorales inattendues devraient avoir l’effet inverse. Pierce, Rogers et Snyder (2016, 45) ont déjà noté que « les résultats des élections affectent fortement le bonheur/la tristesse à court terme des perdants partisans, avec un impact minime sur les gagnants partisans ». Bien que l’impact des pertes électorales sur le bonheur puisse être de courte durée, certaines études ont montré que les baisses de satisfaction à l’égard de la démocratie et de la confiance peuvent persister pendant toute la durée du mandat d’un gouvernement parmi les perdants et peuvent progressivement générer un mécontentement enraciné par des expériences répétées (Anderson et al. 2005 ; Chang, Chu et Wu 2014 ; Loveless 2021b ; voir également Schaffner 2020).

Cela dit, les résultats de la présente étude sont rassurants pour la démocratie : dans la plupart des cas, les attentes non confirmées ne semblent pas exercer une influence déterminante sur la confiance des électeurs dans le processus électoral ou sur leur niveau global de satisfaction à l’égard du système. Plus important encore, les perdants non confirmés dans leurs attentes ne semblent pas plus susceptibles que les autres électeurs de remettre en question la légitimité des résultats électoraux. Les résultats des élections présidentielles américaines de 2020 sont toutefois particulièrement inquiétants. Ces résultats suggèrent que les politiciens et les élus peuvent réussir à créer (ou à aggraver) une crise de confiance parmi les électeurs en mettant en avant un récit cohérent de fraude et d’actes répréhensibles de la part de leurs adversaires politiques. Pendant la campagne de 2020, Donald Trump a nourri deux types d’attentes contradictoires, à savoir (1) qu’il gagnerait « largement » et (2) que les démocrates feraient tout ce qu’ils pourraient pour voler l’élection. Il n’est donc pas étonnant que les partisans de Trump qui croyaient en sa victoire aient été particulièrement mécontents du processus électoral après la victoire de Joe Biden. Persuader les citoyens que le système est truqué ou injuste (que ce soit ou non le cas) pourrait renforcer les effets négatifs de la défaite sur la confiance politique (Mauk 2022). Le recours à la « suppression d’électeurs » et aux allégations de fraude électorale comme stratégies de mobilisation par les démocrates et les républicains est un phénomène bien connu et il semble y avoir une importante « déconnexion entre l’ampleur de la fraude électorale dans les élections américaines et la rhétorique entourant la question », à la fois parmi le grand public et en termes de couverture médiatique (Fogarty et al. 2015, 5). Ces stratégies sont manifestement une arme à double tranchant et peuvent gravement nuire à la démocratie au profit de gains partisans à courte vue (Albertson et Guiler 2020). Et, fait inquiétant, la vérification des faits ne semble pas être d’une grande utilité pour contrer l’effet des allégations douteuses (Barrera, Guriev, Henry et Zhuravskaya 2020 ; Berlinski et al. 2021). En réalité, Graham et Svolik (2020) ont fait valoir que l’engagement envers les principes démocratiques au sein du public américain est généralement faible et très flexible, ce qui offre une protection extrêmement limitée contre les tendances illibérales. Selon eux, « les électeurs sont prêts à sacrifier les principes démocratiques à des fins partisanes » (Graham et Svolik, 2020, 407). Il est inquiétant de constater que les allégations et les révélations de fraude électorale sont accueillies avec une grande partialité. Une étude menée auprès d’électeurs danois et mexicains a montré que, bien que les partisans désapprouvent fortement les manœuvres frauduleuses de leur propre parti (tout autant que celles des autres partis), les révélations de malversations électorales ne suffisent généralement pas à inciter les électeurs à quitter leur parti (Aarslew 2022). En d’autres termes, les partisans convaincus soutenaient davantage un gouvernement de leur propre parti qui s’était immiscé dans les élections qu’un gouvernement d’un autre parti qui avait gagné de manière équitable.

Bien que la présente étude s’appuie sur des données provenant de plusieurs élections, elle se limite à un seul pays, où deux partis dominent largement la sphère politique et où la polarisation affective et idéologique s’est accrue au cours des derniers cycles électoraux. Je pense que les résultats fournissent des indications précieuses pour la recherche sur les attentes des citoyens, leur perception de l’intégrité électorale et leur satisfaction à l’égard de la démocratie, mais ils ne nous permettent pas de tirer des conclusions sur le rôle potentiel des facteurs institutionnels dans la modération des croyances des électeurs sur les résultats des élections et leurs conséquences sur les attentes non confirmées.

 

Remerciements

Je remercie les évaluateurs anonymes et le rédacteur en chef de la revue Political Research Quarterly pour leurs précieuses suggestions sur le manuscrit de cet article. Je suis également reconnaissant à Ruth Dassonneville, Jean-François Godbout et Romain Lachat pour leurs précieux commentaires et conseils. Je remercie également Albert Falcó-Gimeno et Andreas Graefe pour leurs commentaires sur les versions précédentes de cet article présentées lors des conférences annuelles de l’Association européenne de science politique et de l’Association américaine de science politique.

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[1] Le rôle joué par les sondages dans la formation des attentes des électeurs est abordé dans la section H de l’annexe complémentaire.

[2] Il n’est pas certain des attentes faibles confirmées doivent conduire à une satisfaction réelle ou à des sentiments plus neutres.

[3] L’ANES 2008 est exclue car elle ne comporte aucune mesure de la perception de l’intégrité électorale.

[4] Pour plus de détails sur le calendrier et la répartition des entretiens postélectoraux, voir la figure A.1 de l’annexe complémentaire.

[5] La méfiance sociale a été mesurée lors de la vague préélectorale de l’ANES de 1996, mais n’a pas été incluse dans le modèle principal pour 1996 afin que toutes les analyses pour les élections de 1996 à 2004 soient aussi similaires que possible.

[6] Les tableaux de régression détaillés pour chaque élection sont disponibles dans l’annexe complémentaire (voir section C). Lasection D de l’annexe complémentaire présente des analyses complémentaires qui incluent une interaction à trois dimensions entre le statut électoral, le caractère inattendu et un indice composé de toutes les questions relatives à la méfiance.

[7] L’écart statistiquement significatif dans la perception de l’intégrité électorale entre les perdants non confirmés dans leurs attentes et les perdants confirmés dans leurs attentes en 2004 et en 2020 se retrouve à la fois chez les partisans forts et les partisans faibles. L’écart négatif constaté entre les gagnants non confirmés dans leurs attentes et confirmés en 2004 et en 2020 reste statistiquement significatif chez les partisans faibles et les sympathisants, mais est soit insignifiant, soit à peine significatif chez les partisans forts (voir la section G de l’annexe complémentaire).

* Dans tout le texte, par souci de concision et d’homogénéité dans les formulations, unexpected losers et unexpected winners ont été traduits par « perdants non confirmés dans leurs attentes » et «gagnants non confirmés dans leurs attentes », tandis que expected losers et expected winners ont été traduits par « perdants confirmés dans leurs attentes » et « gagnants confirmés dans leurs attentes » (NDT)

Traduit de l’anglais par Erwan Sommerer

L’auteur :

Philippe MONGRAIN est chercheur postdoctoral à l’University d’Antwerp