La mobilité comme stratégies politiques autochtones :
l’agentivité des communautés touarègues au cours des périodes coloniale et postcoloniale en Algérie
Adib Bencherif
Audrey Tremblay
Résumé
Cet article s’inscrit dans une démarche historique dite « post-sédentaire » visant à appréhender l’agentivité des communautés touarègues nomades lors de la colonisation française dans le Sahara algérien (1902-1962) et au cours de la période postcoloniale (1962-2025). Il cherche plus spécifiquement à offrir des pistes de réflexion sur l’idée d’une résistance coloniale de ces communautés autochtones à travers le mouvement, mais aussi d’une capacité d’adaptation dans les relations négociées au cours de la période postcoloniale. La résistance et l’adaptation s’articulent autour de compromis, négociations et oppositions entre visions distinctes de la mobilité et de la territorialité. Les Touaregs tentent de conserver leur liberté de mouvement pour accéder aux ressources éparses, alors que les autorités coloniales cherchent à délimiter le territoire pour affirmer leurs droits de propriété. Une conflictualité entre les deux groupes d’acteurs s’installe donc autour de la tension entre accès et possession des ressources. Dans le cas de la période postcoloniale, des jeux de négociations s’installent et de nouveaux équilibres sont atteints, fruit d’une articulation bricolée entre codes nomades et réalités sédentaires. Par une analyse documentaire approfondie des Archives nationales d’outre-mer (archives coloniales françaises), cet article entend mettre en lumière des capacités de réaction autochtone jusqu’alors peu explorées qui émergent des logiques d’opposition entre communautés nomades et administration coloniale. Puis, la période postcoloniale sera étudiée à travers les observations et entrevues collectées lors d’enquêtes ethnographiques réalisées dans le Sahara algérien, dans la région du Hoggar, au cours de deux terrains de recherche entre février et avril 2024 ainsi qu’entre janvier et mars 2025.
Abstract
This article employs a “post-sedentary” historical perspective to examine the agency of nomadic Tuareg communities during French colonization in the Algerian Sahara (1902–1962) and in the postcolonial period (1962–2025). It reflects on forms of colonial resistance expressed through mobility, as well as on the communities’ adaptive capacities within negotiated postcolonial relationships. Resistance and adaptation unfold through compromises, negotiations, and tensions shaped by divergent understandings of mobility and territoriality. While the Tuareg seek to maintain freedom of movement to access dispersed resources, colonial authorities aim to impose territorial boundaries to assert property rights, generating conflicts structured around access versus possession. In the postcolonial era, new forms of negotiation emerge, producing reconfigured equilibria forged at the intersection of nomadic norms and sedentary constraints. Drawing on extensive archival research in the Archives nationales d’outre-mer and on ethnographic fieldwork conducted in the Hoggar region between February–April 2024 and January–March 2025, the article highlights understudied Indigenous strategies and modes of response that surface within these shifting relations of power and mobility.
How to cite
Bencherif, Adib et Tremblay, Audrey. 2025. « La mobilité comme stratégies politiques autochtones : l’agentivité des communautés touarègues au cours des périodes coloniale et postcoloniale en Algérie ». Nomopolis 3
INTRODUCTION
Dans le cas des Touaregs, l’autochtonie est étroitement liée à la notion de nomadisme et à ses différentes réalités[1]. Elle est à appréhender comme une présence initiale, supposée « originelle », au sein d’un espace relevant d’une territorialité nomade précédant les périodes coloniale et postcoloniale. Explorer ladite autochtonie des communautés touarègues implique donc de se questionner sur les évolutions vécues face aux tenants d’une autorité centrale ancrées dans des codes sédentaires, ou, tout du moins, structurées principalement sur un imaginaire sédentaire. Penser les communautés touarègues comme des populations « autochtones » nécessite donc une capacité à explorer les temporalités précoloniale, coloniale et postcoloniale.
Cela implique aussi de se pencher sur les relations entre les notions de pouvoir et de mobilité, pour mieux saisir les relations entre les communautés (et logiques) sédentaires et nomades, ainsi que dépasser une vision binaire des catégories « nomades » et « sédentaires » qui s’avèrent plus complexes, évolutives et, parfois, enchevêtrées. Dans la suite des réflexions entamées par Ibn Khaldun (1979), les communautés nomades peuvent se sédentariser et évoluer dans leurs normes au point d’oublier progressivement celles qui régissaient leur quotidien nomade. Par ailleurs, des États ancrés dans un paradigme que l’on pourrait qualifier de « sédentaire » s’avèrent aussi porteurs de codes nomades dans leur constitution (Khazanov et Wink 2012) et convoquent parfois cet héritage nomadique sur le plan mémoriel (Myadar 2020). De récents travaux invitent à considérer les possibles hybridations dans la structure du pouvoir, ainsi que dans les normes et les imaginaires. Ils démontrent l’importance d’historiciser les réalités sociopolitiques et les relations internationales dans une démarche ne négligeant pas l’apport des communautés nomades à nos liens sociaux, d’où le souhait de qualifier cette démarche de « post-sédentaire » (Heiskanen et al. 2025). Pour ce faire, dans la poursuite des travaux d’historiens et d’ethnologues, il convient de faire émerger par une densité empirique un portrait nuancé des rôles joués par les nomades dans le politique au Sahel et au Sahara, à travers une approche relationnelle soucieuse de contextualiser les récits, imaginaires et positionnalités des différents acteurs (Grémont 2010 ; Lefebvre 2019, 2022).
Suivant l’élan insufflé par Heiskanen et al. (2025) et Howarth et al. (2024), cette étude poursuit un double objectif. D’une part, cette étude participe à rétablir l’agentivité présente et passée des nomades en tant qu’acteurs dans le champ d’études politique, face à une tendance dominante à les invisibiliser au profit des acteurs étatiques. D’autre part, elle vise à déconstruire la distinction binaire entre nomades et État centralisateur sédentaire. Cette dichotomie, solidement ancrée dans les imaginaires sociaux et en relations internationales, conduit à dépeindre les nomades comme des victimes incapables de s’adapter aux nouvelles frontières ou comme des marginaux prompts à se rebeller contre les États sahéliens et sahariens. Déconstruire cette distinction n’implique pas de nier le fait que des contraintes ont été imposées aux communautés nomades, notamment touarègues, au cours des périodes coloniale et postcoloniale (Bencherif 2019a ; Bourgeot 1990).
En effet, malgré un rapport de forces favorable aux administrations coloniale et postcoloniale, les communautés touarègues ont été capables de mobiliser leur identité nomade pour continuer à exister. Comment les communautés touarègues nomades mobilisent-elles le mouvement comme stratégie politique pour résister au projet colonial français et pour s’adapter aux réalités postcoloniales de l’État algérien ? Pour répondre à cette question, le présent article offre au commencement un premier survol sur le lien entre la question de l’autochtonie et les communautés touarègues dans le Sahara algérien. L’objectif, dans cette première section, est d’expliciter de manière transversale les ambiguïtés du statut « autochtone » des Touaregs algériens et les enjeux contemporains qui en résultent, pour initier le lectorat à ce cas d’étude. Ensuite, un bref portrait des logiques sociales, politiques et économiques « traditionnelles » des communautés touarègues permettra d’appréhender les dynamiques et codes politiques avant la période coloniale. Puis, à l’aide d’un travail de recherche réalisé dans les Archives nationales d’outre-mer (ANOM) à Aix-en-Provence (janvier-février 2024), des types de stratégies politiques de résistance face à la colonisation et basées sur le mouvement seront présentées. Enfin, une dernière section, basée sur des entretiens menés à Alger et deux terrains de recherche réalisés dans le Hoggar, à Tamanrasset et ses environs, par le premier auteur (février à avril 2024 et janvier à mars 2025), visera à donner un aperçu des réalités contemporaines des communautés nomades à la période postcoloniale et la manière dont elles naviguent entre réalités urbaines et survivance nomadique.
I. LA QUESTION DE L’« AUTOCHTONIE » DES TOUAREGS DU SUD ALGÉRIEN : RECONNAISSANCE ET ENJEUX CONTEMPORAINS
A. L’appartenance historique aux peuples autochtones Imazighen
Le statut d’autochtone des Touaregs habitant le sud de l’Algérie est reconnu par l’ONU et le Groupement international de travail pour les affaires indigènes (IWGIA) (Keenan 2004). En effet, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) et la Convention No.169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail (1989) confèrent le statut d’autochtone aux Imazighen (un des termes émiques utilisés pour qualifier les « Berbères »). Ce regroupement inclut de nombreuses communautés diversifiées à travers l’Afrique du Nord qui se sont développées depuis l’Antiquité. Selon l’IWGIA (2005), les Imazighen sont réparties dans cinq territoires principaux en Algérie, soit la Kabylie au nord-est, les Aurès à l’est, le Chenoua, à l’ouest, le M’zab au sud (Taghardayt), et le territoire touareg au Sahara. Ces communautés vivent avec d’autres groupes socioculturels, dont certains sont aussi anciennement établis sur le territoire algérien et de nombreux brassages ont eu lieu au cours des dernières décennies, rendant difficile la mobilisation d’une identité singulière lorsque l’on réfère à une appartenance à un groupe ethnique en Algérie, en dehors d’usages politiques et militants (Hoffman et Miller 2010). Pour de nombreux historiens berbérophones et berbérophiles, cette diversité est le résultat des couches successives de peuplements depuis l’Antiquité, faisant de l’Algérie le berceau d’une civilisation amazighe (Nachef 2018). Civilisation que l’on pourrait d’ailleurs aussi conjuguer au pluriel considérant sa complexité culturelle. De nombreux travaux d’ethnologues, historiens, préhistoriens et sociologues s’escriment à retracer les origines des réalités du monde berbère (Badi 2015 ; Benmessaoud 2022 ; Camps 1973 ; Keenan 2004). Certains auteurs à l’instar de Gast (1976; 2000) et Belhachemi (1991) se sont focalisés sur l’origine du peuplement du Hoggar et des Touaregs d’Algérie. Les travaux de préhistoriens continuent jusqu’à nos jours de renouveler les connaissances sur les peuplements initiaux en Algérie, remettant parfois en question certaines prémisses sur les peuplements et invitant à nous départir d’une vision essentialiste de l’identité amazighe (Benmessaoud 2022).
Et c’est d’ailleurs sans compter le fait que les populations se sont progressivement brassées au cours des différentes périodes, notamment au cours de la période postcoloniale. S’il y a eu des migrations de populations touarègues du Mali et du Niger, lors des sécheresses des années 1970 et pour fuir la répression dans ces deux pays contre les Touaregs (Badi et Bellil 1995), d’autres mouvements de populations ont eu lieu à l’intérieur des frontières de l’Algérie. Au cours des années 1990, lors de la décennie noire, à cause des nombreux attentats terroristes dans les zones septentrionales du pays, de nombreuses communautés ont émigré et trouvé refuge dans le Sahara algérien.
B. Les enjeux contemporains associés à l’attribution de l’autochtonie touarègue
De cette complexité découlent trois enjeux notables en ce qui concerne l’attribution de droits autochtones pour les Touaregs depuis la fin du XXe siècle. Premièrement, même si les Touaregs algériens sont reconnus comme autochtones par l’ONU et le IWGIA, rien ne précise qui peut être appréhendé comme « Touareg » (Keenan 2004:7-12). Ainsi, une méconnaissance des réalités de peuplement en Algérie peut amener à considérer que l’ensemble des habitants du Sahara appartient au monde touareg, alors qu’ils peuvent être de groupes socioculturels différents (par exemple des Chaambas ou des Haratines). Lors des premières questions (naïves) posées par le chercheur principal au moment de ses premiers contacts avec les habitants du Hoggar, une interlocutrice lui répondit : « Vois plus large. Nous sommes les habitants du Sahara » (entrevue avec une entrepreneure dans le tourisme, famille de notables de Tamanrasset, Tamanrasset, 7 mars 2024). De plus, un propos qui revenait souvent à Tamanrasset, la plus grande ville (capitale en quelque sorte) du Hoggar, est qu’il n’y a plus de « vrai Touareg », sous-entendant qu’il y a eu de nombreux brassages ethniques au cours des dernières décennies et que la culture autochtone s’est fortement estompée, voire a disparu (entrevue avec une élite culturelle, Tamanrasset, 9 février 2025). Cette sentence, bien qu’excessive, souligne à quel point la notion d’« autochtone » devient confuse et difficile dans son utilisation. Dans l’imaginaire des organismes internationaux, les Touaregs d’Algérie se voient ainsi regroupés avec plusieurs autres communautés, dont les origines et les évolutions s’entrecroisent pour obtenir un statut d’autochtone (Keenan 2004:7-12).
Deuxièmement, il est difficile d’analyser dans quelle mesure les droits autochtones de Touaregs sont respectés en Algérie, puisque les plaintes faites par certains militants depuis le début des années 2000 et concernant des abus des droits autochtones sursimplifient la situation en mêlant les réalités de plusieurs peuples de l’Algérie. Comme l’énonce Keenan (2004:7-12), il en résulte une impression selon laquelle les Touaregs auraient été sujets au même niveau d’abus de leurs droits autochtones que d’autres communautés, à l’instar des Kabyles, ce qui ne s’avère pas fondé. Comme le résumait un Touareg au chercheur principal du projet lors de ses enquêtes de terrain : « Notre réalité au Sahara est différente de celle des Kabyles. Nous avons fait le choix de travailler avec l’État, tout en préservant notre culture. Nous n’avons pas de problème avec l’État comme les Kabyles » (entrevue avec un leader communautaire Issaqamaren, Tazrouk, 21 avril 2024). De plus, l’État algérien a voté en faveur de la déclaration des Nations Unies de 2007, mais ne reconnait pas de manière explicite le statut autochtone des Imazighen. Il a tout de même intégré les éléments culturels berbères dans le récit national, à l’instar de personnages historiques de l’Antiquité comme les rois Jugurtha et Massinissa mis de l’avant dans la littérature algérienne et dans les travaux d’institutions officiels ou encore par la célébration du Yennayer, Nouvel An dit « berbère » (Arbane 2025 ; Bekari 2022 ; Haut-Commissariat à l’Amazighité 2015 ; Kadra-Hadjaji 2013). Cette démarche s’explique vraisemblablement pour des questions d’équilibre et de vivre-ensemble entre les différentes communautés du pays.
Troisièmement, d’importants enjeux demeurent en ce qui concerne la reconnaissance juridique de la mobilité autochtone touarègue. En effet, les Touaregs sont des populations qui ont « traditionnellement » vécu et vivent principalement en Algérie, au Mali, au Niger, en Libye et au Burkina Faso dans l’espace sahélo-saharien (Bencherif 2019a). Avant la délimitation des frontières à la période coloniale et l’avènement des États indépendants soucieux de leur souveraineté, de nombreuses communautés touarègues, vivant du pastoralisme, nomadisaient sur les territoires sahélo-sahariens au gré des saisons et en fonction de leurs principales activités économiques (Bourgeot 1972:85-6). Le souhait des États postcoloniaux de limiter le déplacement des nomades à l’intérieur des frontières constitue un défi réel pour la survivance du pastoralisme comme activité économique. À ce titre, l’article 36 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007:25-6), stipule que :
« Les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent de part et d’autre de frontières internationales, ont le droit d’entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec leurs propres membres ainsi qu’avec les autres peuples, notamment des activités ayant des buts spirituels, culturels, politiques, économiques et sociaux ».
Les États sahélo-sahariens doivent donc prendre des mesures efficaces pour assurer l’application de ce droit. Une solution serait de définir des accords entre les États de la région pour permettre une circulation associée au mode de vie nomade. En revanche, la situation sécuritaire au Mali, Niger et Burkina Faso, et la répression qui y sévit sur les communautés nomades ne permettent pas l’établissement d’un pareil accord (Zoubir et Abderrahmane 2022). Présentement, de nombreux Touaregs du Mali, et dans une certaine mesure du Niger, sont exilés en Algérie pour ne pas être réprimés par les forces de sécurité de leur pays ou par les groupes djihadistes (Badi 2010 ; Musette, Labdelaoui, et Khelfane 2024). L’État algérien les accueille actuellement pour des considérations humanitaires. Lors de ses séjours de recherche, le premier auteur a pu observer que la communauté Dawssahak, qui a fui la région de Ménaka, est très présente à Tamanrasset. Un exil causé par les nombreuses exactions réalisées principalement par des combattants affiliés à l’État islamique dans la région de Ménaka. Enfin, malgré l’importance des relations familiales et communautaires transfrontalières, il convient de souligner que les Touaregs sont structurés en groupements (ou confédérations) et que celles-ci ont une représentation territoriale circonscrite qui énonce souvent un terroir d’appartenance. Ainsi, si l’on associe les Touaregs au mode de vie nomade, leur représentation territoriale est structurée entre des pôles de pouvoir, souvent associés à des chefferies traditionnelles, et ne peut être appréhendée comme un ensemble politique unitaire qui préexistait à une époque précoloniale dans un grand espace nomade (Bourgeot 1994 ;; Grémont 2010). Cette vision romantique est toutefois populaire et souvent diffusée par des militants, notamment dans la diaspora, à l’instar du poète ethnonationaliste Hawad (1994 ; 2012).
Ainsi, dans le cas des Touaregs d’Algérie, les enjeux d’autochtonie sont intimement liés à la mobilité culturelle et/ou stratégique en fonction des évolutions du contexte politique. À ce titre, il convient d’étudier les périodes précoloniale, coloniale et postcoloniale avec plus d’acuité pour saisir les évolutions connues par les communautés touarègues et leurs relations avec les autorités centrales dans le Sahara algérien.
II. LA MOBILITÉ À LA PÉRIODE PRÉCOLONIALE SUR LE TERRITOIRE ALGÉRIEN : DEUX ÉCOSYSTÈMES POLITIQUES DANS LE HOGGAR ET L’AJJER
À la période précoloniale, l’économie politique des localités et l’interdépendance complexe des nomades avec les communautés sédentaires entrainent les Touaregs dans une mobilité variant en fonction des saisons et des activités économiques dans lesquelles ils s’investissent (Grémont et al. 2004 ; Rossi 2015b). Ces activités sont principalement le pastoralisme et le commerce caravanier, et dans une certaine mesure l’agriculture pour ceux appartenant à un mode de vie semi-nomade ou intégrant l’agriculture dans leurs activités économiques (Grémont 2010 ; Rossi 2015b). De manière générale, il faut donc comprendre la mobilité des Touaregs vivant sur le territoire algérien comme située dans un continuum allant du nomadisme à la sédentarité. De plus, l’ordre politique « traditionnel » touareg est complexe et varie en fonction des localités (Badi 2015). Les réalités du pouvoir sont aussi en constant changement. Les catégorisations se butent souvent à une polysémie engendrée à la fois par les évolutions temporelles, les jeux relationnels entre les catégories qui sont partiellement enchevêtrées et les contradictions narratives provoquées par les interprétations et les positionnalités de divers acteurs appartenant ou extérieurs aux communautés touarègues (Bencherif 2019b).
Au cours de la période précoloniale, plus précisément à partir du milieu XVIIe siècle, les Touaregs d’Algérie se divisent en deux pôles de pouvoir, que l’on peut qualifier de confédérations, soit les Kel Ahaggar et les Kel Ajjer (Gardel 1961)[2]. Les Kel Ahaggar vivent dans la région du Hoggar (Ahaggar) qui est située entre le Tidikelt et le Touat au nord, et l’Adagh (Mali) et l’Aïr (Niger) au sud (Pandolfi 1998:29). Dans le cas de l’Ajjer, le territoire s’étend entre le Grand Erg oriental au nord, ce qui correspond aujourd’hui à la frontière avec le Niger au sud ; l’Ahaggar vers l᾽ ouest et ce qui correspond aujourd’hui à la frontière avec la Libye à l’est (Vaudour 2018). La cité de Djanet constitue son principal centre démographique. Le climat de l’Ajjer est plus tempéré que l’Ahaggar et le territoire est parsemé d’oasis et de palmeraies. Dans ce contexte, certains Touaregs ont adopté un mode de vie davantage sédentaire focalisé autour de l’agriculture dans les jardins et se sont brassés avec d’autres communautés sahariennes (Gardel 1961). Les tributaires y pratiquent l’agriculture et peuvent profiter de l’usufruit de leurs récoltes (Badi 2015:95-100). La mobilité est donc moins prégnante en Ajjer qu’en Ahaggar. Elle demeure cependant présente au sens où certains Touaregs de catégorie statutaire dominante assurent la protection du territoire, en échange d’un impôt qui peut être prélevé sous la forme d’une part des récoltes ou du cheptel des habitants de Djanet et de l’ensemble de l’Ajjer (Badi 2015).
Chacune de ses confédérations est dirigée par un chef traditionnel appelé amenokal dont le pouvoir a varié dans le temps et qui constitue une sorte de chef tenant les équilibres internes de la communauté et a la charge de la guider sur le plan politique (Casajus 2000). Les modes d’organisation politique, social et économique des deux confédérations diffèrent, puisqu’elles évoluent dans des environnements différents. Les Kel Ahaggar optent pour un mode de vie davantage nomade étant donné le caractère désertique de leur territoire, alors que les Kel Ajjer adoptent une logique davantage sédentaire focalisée sur l’agriculture dans les oasis (Badi 2004). À ce titre, les Kel Ahaggar pratiquent donc la transhumance, qui peut être résumée comme une forme de mobilité conditionnée par les activités économiques et les contraintes associées en fonction des saisons et des ressources agropastorales disponibles (Duveyrier 1864). De plus, ils utilisent également la mobilité pour piller et affaiblir leurs ennemis ou pour saisir les troupeaux et ressources économiques d’autres communautés, lorsque les ressources se font plus rares (Lhote 1944). Ces rezzous obéissent toutefois à un code d’honneur et à des principes pour éviter toute forme d’excès (Claudot-Hawad 2001). Ils correspondent généralement à des attaques surprises mobiles qui permettent à un groupe armé de parcourir de grandes distances pour piller un campement ou une caravane ennemie non assujettie à la protection du groupe attaquant (Duveyrier 1864).
Au sein de ces deux confédérations, les communautés se subdivisent ensuite en fonction de hiérarchies sociales (relativement similaires à des logiques de « castes ») entre les nobles (Ihaggaren[3]), les tributaires (Imghad[4]) les forgerons (Inadan) et les esclaves (Iklan) (Keenan 2004 ; Pandolfi 1998). Parallèlement à cela, les communautés sont regroupées au sein de tribus (tewsiten), souvent associées à une appartenance lignagère commune, et aussi à un espace sociopolitique, comme un terroir, ce qui ne signifie pas qu’ils ne peuvent pas vivre sur d’autres espaces (Pandolfi 1998). Le degré de mobilité des Touaregs varie aussi en fonction de la classe sociale à laquelle ils appartiennent. Les nobles sont généralement ceux qui possèdent les dromadaires et qui ont une sorte de suzeraineté en échange d’un devoir moral de protection à l’endroit de leurs tributaires et des communautés sous leur aile (Lhote 1944). Les tributaires font principalement de l’élevage caprin ou de moutons. Certains sont toutefois portés sur l’activité guerrière et accompagnent les « nobles » dans leurs raids. Quant aux Iklan, ils sont souvent plus impliqués pour les tâches agricoles, mais pas uniquement (Gardel 1961). À ce titre, leur mobilité est relativement moins importante et ils doivent donc obtenir la protection des nobles et payer des impôts pour pouvoir se déplacer sur les différents territoires, pour pouvoir commercer et faire le commerce ou pour faire paître leurs troupeaux en fonction des saisons (Rossi 2015b:157-62).
Si ce bref portrait permet un aperçu de la mobilité des Touaregs à la période précoloniale, il faut se rappeler que les géométries de cette mobilité ne sont pas fixes à travers le temps. En effet, il faut éviter de percevoir la période précoloniale comme un état d’origine immuable pour les populations autochtones (Heiskanen et al. 2025). Il existe bien sûr des jeux relationnels inter et intracommunautaires qui influencent la mobilité des Touaregs à la période précoloniale, en fonction des logiques de domination qui ont existé (Grémont 2010). Par exemple, les luttes de pouvoir entre les deux confédérations de l’Ajjer et du Hoggar engendrent notamment des variations en termes de routes commerciales, de marchés et de points d’eau, bref de ressources accessibles pour chacune d’entre elles (Keenan 2004:31-8). Ainsi, au cours de la période précoloniale, les communautés nomades ont géré les territoires, en ayant la mobilité au cœur de leur gouvernance, ou parfois, dans une gouvernance partagée avec les communautés sédentaires (Grémont 2005). La dimension culturelle de la mobilité est alors intriquée, pour les Touaregs, avec les considérations de stratégie politique pour gérer les relations avec les autres communautés et, plus globalement, l’environnement. Il y aura une profonde transformation des relations inter- et intracommunautaires avec l’arrivée d’un nouveau dominant incarné par l’administration et les troupes coloniales françaises. Des stratégies mobilisant la mobilité seront alors mises en œuvre par les communautés nomades pour faire face à ce nouveau défi.
III. LA MOBILITÉ TOUARÈGUE À LA PÉRIODE COLONIALE SUR LE TERRITOIRE ALGÉRIEN : DES STRATÉGIES DE RÉSISTANCE
Les relations entre les communautés touarègues et les autorités coloniales françaises dans le Sahara algérien débutent en Ajjer vers les années 1850, notamment avec l’exploration d’Henri Duveyrier, puis les autorités françaises font leur entrée dans l’Ahaggar en 1881 dans le contexte du massacre de la mission Flatters (Keenan 2004). Ces relations connaissent de nombreuses évolutions jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962. Si les échanges deviennent réglementés et régis par un ordre administratif à partir des années 1940, les enjeux des premières décennies (des années 1880 aux années 1930) concernent principalement le contrôle du territoire et des ressources pour l’administration coloniale française (ANOM, carton GGA 23H 1-3, 1906-1956, Situation économique et politique des Territoires du Sud). Dans cette optique, les autorités coloniales cherchent à établir une gestion administrative centralisée, notamment par une délimitation administrative et une gestion fiscale du territoire. Ces politiques ont pour effet d’encadrer progressivement la mobilité des Touaregs, limitant la transhumance et le commerce caravanier (Rossi 2015b:162-65). Face à cela, les communautés touarègues développent des stratégies de résistance et de négociation. La période allant de 1902 à 1920 est animée par de nombreuses révoltes et oppositions contre la puissance coloniale, notamment avec le combat de Tit (1902) et l’insurrection de l’Ajjer (1913-1920) (Bourgeot 1984). À l’aune des analyses initiales réalisées sur le corpus recueilli aux ANOM, et en se focalisant sur l’intervalle temporel de 1902-1920, nous avons, dans le cadre de cet article, identifié deux stratégies de résistance utilisant la mobilité. Celles-ci sont employées de manière récurrente par les Touaregs : l’utilisation de la mobilité pour confronter les autorités coloniales et l’utilisation de la mobilité pour préserver des espaces de liberté politique. Cette typologie ne prétend pas être exhaustive, car d’autres stratégies de résistance pourraient être identifiées dans la poursuite de l’exploration des archives. Ainsi, cette section vise à présenter ces deux stratégies de résistance, en les illustrant à l’aide d’exemples prélevés principalement dans des rapports administratifs coloniaux et des rapports de tournée.
A. La mobilité pour confronter les autorités coloniales
À la période coloniale dans le Sahara algérien, l’utilisation de la mobilité pour confronter les autorités coloniales est une stratégie de résistance assez fréquente. Comme le résume Claudot-Hawad (2001), elle se manifeste par l’adaptation des rezzous (raids) en période de conflit ou d’insurrection face aux autorités coloniales françaises. Cette tactique accorde l’avantage de la surprise aux Touaregs pour contrebalancer certains désavantages militaires techniques, particulièrement au début de la colonisation (Keenan 2004). Le rezzou est donc ici à appréhender comme un stratagème militaire dans le cadre d’un conflit asymétrique. En se basant sur le corpus étudié, trois facteurs, qui s’enchevêtrent partiellement, constituent les mobiles principaux pour déclencher et justifier des rezzous à la période coloniale : l’acquisition de ressources, l’affrontement direct des troupes coloniales françaises et la punition des Touaregs qui collaborent avec les autorités coloniales.
L’acquisition de ressources
Les rezzous permettent aux Touaregs de piller les campements militaires français pour acquérir des ressources, notamment des chameaux, des armes et des vivres (Lhote 1944). Le rapport du lieutenant Gardel, sur le rezzou subi par son détachement à El Barkat en 1913, est éloquent à cet égard. Il décrit cette attaque impliquant des Kel Ajjer en mettant l’accent sur leur technique d’attaque mobile qui leur permet de piller leurs ressources :
« Mais les adversaires sont arrivés jusqu’au milieu de nos bagages. L’idée du pillage est la plus forte chez eux ; ils s’emparent de nos “rahlas”, de nos sacs, se chargent de butio, que beaucoup teignent de leur sang. Nous n’avons même pas la ressource d’une contre-attaque ; la crainte que notre carré ne soit envahi si nous sommes repoussés, nous l’enlève. » (ANOM, carton GGA 22H 79, 1913, Dossiers du Lt. Gardel sur affaires en instance combat Esseyen:61-65).
Ces rezzous contribuent à diminuer l’asymétrie des ressources entre certaines communautés touarègues et les autorités coloniales françaises au cours de périodes de résistance face à la colonisation du Sahara algérien (Rossi 2015b).
L’affrontement direct des troupes coloniales françaises
Les rezzous touaregs peuvent également s’inscrire dans une logique d’opposition frontale aux autorités coloniales françaises (Claudot-Hawad 2001), comme ce fut le cas lors de l’insurrection de l’Aïr et l’Ajjer en 1916-1917. Alimentée par la confrérie religieuse senoussiste, cette révolte s’étend notamment au Niger, en Tripolitaine et dans le Sahara algérien. Elle est portée entre autres par des Touaregs influents, tels que Kaocen, leader appartenant à l’aristocratie guerrière de l’Aïr, et le Sultan Amoud, survivant de la lignée des Imenan et ancien chef de la cité de Djanet en Ajjer (Lhote 1944:364-66 ; Claudot-Hawad, 2005 ; Gast 2001). À ce titre, en 1916, le Sultan Amoud participe à diriger une mehalla (colonne militaire) de 400 hommes visant à reprendre Djanet, devenue un poste militaire d’importance pour les autorités coloniales françaises (Lhote 1944:364-66). De plus, une lettre de 1917 écrite à Kaocen par son intérim El Moktar Mohammed fait également état d’un rezzou important en marche pour appuyer la rébellion : « composé de Zentane, de Kedirat, de Geramma, d’iforas et d’Imrasatam, 300 combattants environ […]. – Que Dieu leur donne la victoire ou leur fasse obtenir ce qu’ils désirent. » (ANOM, carton OASIS 32, 1917, Documents clefs pour insurrection 1917 avec correspondances chefs Touaregs:177-78). Ces rezzous permettent d’alimenter la rébellion et de nuire au prestige militaire des autorités coloniales. Ils sont pratiqués avec l’intention claire de combattre militairement les ennemis français contre lesquels ils s’opposent (Gardel 1961).
La punition des collaborateurs
Enfin, certains rezzous servent à punir les communautés touarègues pour leurs alliances ou collaborations avec les autorités coloniales françaises (Pandolfi 2006). Des rezzous sont notamment perpétrés lors de l’insurrection de l’Ajjer par des Touaregs rebelles contre des communautés ayant accepté de négocier la paix ou de collaborer avec les Français. Le général Laperrine mentionne cette stratégie de résistance dans son cours préparatoire au service des affaires indigènes de 1919 : « À la fin de juillet Aflan Ag Doua Kel Réla dissident razzie dans le Mouydir les Kel In Ghar et les Kel Amguid pour les punir d’avoir fourni des éclaireurs au S/ Lieutenant Lehureaux lors de l’affaire de Tehi-n-Akli. » (ANOM, carton GGA 22H 80, 1919, Cours préparatoire au service des affaires indigènes Laperrine:40). Ces rezzous participent ainsi à renverser les rapports de force lors de négociations entre Touaregs et autorités coloniales et renforcent la résistance à la soumission (ANOM, carton GGA 22H 80, 1919, Cours préparatoire au service des affaires indigènes Laperrine).
B. La mobilité pour préserver des espaces de liberté politique
Au-delà des confrontations, les Touaregs négocient également avec les autorités coloniales françaises pour améliorer leur situation économique ou politique sur le territoire. Ces collaborations s’inscrivent néanmoins dans les logiques de prudence et de positionnement stratégique par rapport à l’administration coloniale française (Pandolfi 2018). À ce titre, des acteurs touaregs utilisent leur mobilité pour esquiver certaines rencontres et ainsi préserver des espaces de liberté politique, à la frontière entre la soumission et la résistance (Keenan 2004). Cette stratégie de résistance sera explicitée par le jeu d’esquives de l’amenokal (chef traditionnel) des Kel Ahaggar Moussa ag Amastane entre 1904 et 1917.
Suivant la négociation d’un traité de paix entre les Kel Ahaggar et les autorités coloniales françaises en 1904, Moussa ag Amastane évite les contacts avec les postes administratifs français (Lhote 1944). Le point culminant de ce jeu d’esquive se produit lorsque Moussa ag Amastane s’absente d’une rencontre prévenue avec le général Laperrine lors de sa tournée militaire en Ahaggar à l’été 1904. Comme l’indique le capitaine Métois dans son livre La soumission des Touareg du nord publié en 1906 : « À la suite de sa tournée, le commandant Laperrine pouvait croire que la soumission de Moussa n’était qu’apparente » (cité dans Pandolfi 2006:39). Ces esquives démontrent l’autonomie de l’amenokal et remettent en question l’étendue réelle de la soumission de sa confédération aux yeux des autorités coloniales (Pandolfi 2018).
Les esquives de Moussa ag Amastane se poursuivent lors de l’insurrection de l’Ajjer, alors qu’il affirme appuyer les forces françaises (Bourgeot 1984). Il déplace notamment son campement vers l’est à l’arrivée des troupes du militaire De La Roche près de la zone d’insurrection en 1916. Cet éloignement remet en question la confiance que M. De La Roche porte envers l’amenokal, ce qui n’est pas sans conséquence, comme le mentionne le capitaine Meynier dans une lettre adressée au gouverneur général d’Algérie :
« Il n’y a qu’une seule chose qui m’inquiète, c’est le vif mécontentement de M. DE LA ROCHE contre MOUSSA […] Je demande en conséquence que mon subordonné soit désigné soi-disant par le sort pour un emploi de son grade dans une unité de France, […] en vue d’éviter le renouvellement de faits que je crois nuisibles à la cause de la paix SAHARIENNE […]. » (ANOM, carton OASIS, 1916, Affaire Djanet 1916 et rapport Lapierre retour de captivité 1919:8).
Le jeu trouble de Moussa ag Amastane à cette période critique de la résistance touarègue entraine ainsi des divisions internes au sein des forces militaires françaises, notamment au sujet des postures à adopter face à l’amenokal (Pandolfi 2006:61-8). Il s’agit là d’un enjeu majeur dans la mesure où une large part des efforts français de soumission des Touaregs repose sur les relations que les autorités coloniales entretiennent avec le chef des Kel Ahaggar (Lhote 1944).
De plus, Moussa ag Amastane et ses troupes évitent de se présenter au point de rendez-vous convenu avec le capitaine Depommier pour appuyer la répression de la résistance touarègue en 1917. Comme le mentionne le général Laperrine, cette esquive affecte les capacités d’actions françaises :
« […] l’incertitude sur l’attitude de Moussa Ag Amastane ne permirent pas à cet officier de se conformer aux directives du Lt Colonel Meynier quant à mes ordres […] les doutes sur le loyalisme des guerriers de Moussa Ag Amastane empêchèrent cette collaboration d’être aussi complète que je l’aurais voulue. » (ANOM GGA 22H 80, 1917, Cours préparatoire au service des affaires indigènes Laperrine:26-33).
L’amenokal profite de la confusion pour aller rejoindre ses gens, retardant ainsi la riposte française prévue par le général Laperrine.
Dans ces exemples, un acteur touareg influent utilise sa liberté de mouvement pour préserver une marge de manœuvre dans ses négociations et collaborations avec l’administration coloniale française. Ces esquives sont ainsi perçues comme des actes politiques d’un jeu de positionnement trouble permettant de préserver des espaces de liberté et d’agentivité touarègue.
En somme, à la période coloniale, la mobilité est utilisée comme stratégies de résistance politique face à une autorité centrale que les Touaregs du Sahara algérien rejettent initialement (Pandolfi 2018). Il semble, basé sur les travaux de Keenan et Pandolfi, qu’après le dernier soulèvement touareg généralisé dans l’Ajjer des années 1920, les communautés touarègues deviennent de plus en plus collaboratives, tout du moins en apparence (Keenan 2004 ; Pandolfi 1998). L’essoufflement de la résistance après l’échec militaire, l’attente d’une opportunité à venir, ou encore l’acceptation d’une collaboration temporaire le temps de l’avènement d’une nouvelle ère pourraient expliquer ce changement de paradigme ; ce sont en tout cas des explications qui ont été avancées au premier auteur par des Touaregs du Hoggar lorsqu’ils tentaient de justifier les jeux de positionnement de leurs communautés, après la fin du soulèvement dans les années 1920. Si la mobilité n’est plus utilisée dans une logique de confrontation armée, elle a pu être encore mobilisée pour esquiver l’administration coloniale après les années 1920. Certains chefs touaregs, comme le Sultan Amoud, continueront par exemple de vouloir éviter toute interaction avec l’administration coloniale française (Badi 2012). Il ne s’agit cependant que d’hypothèses étayées par des traces mémorielles. Elles méritent une réflexion plus approfondie, en interrogeant avec plus d’acuité les archives disponibles sur le Sahara algérien ayant traité la période allant des années 1920 aux années 1960. Il convient à présent d’analyser les stratégies plus collaboratives et négociées avec l’autorité centrale à la période postcoloniale.
IV. LA MOBILITÉ TOUARÈGUE À LA PÉRIODE POSTCOLONIALE SUR LE TERRITOIRE ALGÉRIEN : ADAPTATIONS PLURIELLES ET EXPÉRIENCES DE VIE
La préoccupation de l’État algérien nouvellement indépendant, et d’obédience socialiste, a été très tôt d’encourager les communautés touarègues à se sédentariser, ou tout du moins, à fixer une partie des membres de leurs familles dans des villages, pour permettre l’accès aux services essentiels, entre autres l’éducation, les soins médicaux, les services administratifs et la fourniture alimentaire de produits subventionnés. Le régime socialiste a donné un accès égal à la propriété terrienne entre les habitants sahariens, sans tenir compte des catégories statutaires et en souhaitant abolir les logiques hiérarchiques traditionnelles. Sur le plan des activités économiques, il n’y a pas eu de résistances significatives de la part des communautés touarègues dans le Hoggar (Keenan 2004). Les interlocuteurs rencontrés partageaient d’une manière assez consensuelle le fait que le choix des Touaregs du Hoggar a été d’accepter les nouvelles règles de l’État algérien. Il ne voyait pas l’utilité d’une confrontation avec l’autorité centrale (Bellil 2008), contrairement au cas malien et nigérien où les différences ethniques et culturelles ont été des marqueurs d’activation du conflit armé (Bencherif 2019c). Toutefois, comme de nombreuses élites touarègues l’ont mentionné au premier auteur, les Touaregs du Hoggar ont su manœuvrer au sein des arènes politiques nationale et locale. Ainsi, bien que démographiquement très minoritaire, les Touaregs de la région demeurent influents en se faisant élire au niveau des assemblées populaires communales (APC), des assemblées populaires des wilayas (APW) et en qualité de députés et sénateurs, en mobilisant des réseaux étendus pour se faire élire et en invoquant le fait d’être les populations originelles. C’est aussi le cas de la famille de la chefferie traditionnelle qui demeure assez influente dans les deux régions en matière de politique. Ainsi, le temps postcolonial est davantage fait d’adaptations mutuelles et de négociations plus ou moins bricolées. La présente section vise à s’orienter sur quelques adaptations faites dans le quotidien par les communautés touarègues.
A. Des réalités conjuguant codes nomades et sédentaires
Les populations touarègues se sont, pour la plupart, en grande partie sédentarisées. Le premier auteur confirme les observations déjà faites de chercheurs comme Bellil (2008). De nombreux Touaregs vivent à Tamanrasset, mais aussi dans d’autres petites villes (comme Tazrouk) et villages plus ou moins excentrés, à l’instar de celui de Tin Tarabine qui l’est tout particulièrement. Les services accessibles varient toutefois. Si les principaux services – à l’exception de l’Université où il est nécessaire d’aller dans une grande ville comme Tamanrasset – se trouvent à Tazrouk, des villages comme Tin Tarabine ont accès à peu de ressources. Très excentrés, les services de l’État algérien ont eu du mal à s’y déployer, notamment en matière d’électricité. Un panneau solaire alimente partiellement ce village. C’est la tribu touarègue des Aït Lawayen qui a désiré s’y installer, car ce site constituait historiquement leur terroir. Toutefois, en 1980, les représentants de l’autorité centrale avaient souhaité leur sédentarisation du côté de Tafessasset, où l’eau était en abondance, mais très en profondeur (Frère Abdallah [1989] 2021). Plusieurs membres de la tribu ont refusé et ont pu s’établir à Tin Tarabine après une longue négociation avec les autorités, notamment avec le maire de Tamanrasset, au cours des années 1980. En 1984, les premières maisons en dur étaient construites. Des puits ont été progressivement établis pour permettre le fonctionnement du village et la culture de jardins. L’infirmerie et l’école ont été par la suite installées (Frère Abdallah [1989] 2021). Le cas de Tin Tarabine illustre l’espace de négociation qui a existé entre le désir de sédentarisation et d’harmonisation du fonctionnement du territoire par l’administration postcoloniale et le souhait des communautés nomades de demeurer dans un lieu où elles avaient l’habitude de nomadiser et qu’elles considéraient comme leurs territoires.
Sur le plan pastoral, dans le Hoggar, au cours de ses séjours de recherche, le premier auteur a constaté que les populations touarègues conservent en général un petit cheptel, bien que les conditions météorologiques du Hoggar rendent difficile l’élevage. Il n’y a que des petits troupeaux de chèvres et quelques chameaux qui se baladent aux abords des villages. Toutefois, il y a le maintien d’une activité pastorale, considérée aussi comme une dimension culturelle à préserver de leur appartenance à un monde nomade. Ainsi, un jeune homme touareg d’Idèles, et qui travaille en qualité d’ingénieur sur le site d’In Salah, a acheté des troupeaux, notamment des chameaux, que sa famille gère dans le village pour qu’ils conservent une réalité pastorale (entrevue à Idèles, Hoggar, Algérie, 22 avril 2024). Enfin, un dernier élément qui incarne réellement la fusion du monde nomade et de la réalité sédentaire est de voir dans les villages des habitations « en dur » juxtaposées aux zaribas (habitations traditionnelles faites de branches d’arbustes et de feuilles de palmiers). En fonction des saisons, de la température et des circonstances, les hôtes de la demeure peuvent vivre et accueillir leurs invités dans la maison en dur, la cour de la maison ou dans la zariba. En plus de ces références de mobilité maintenues dans le mode de vie, les Touaregs du Hoggar sillonnent au quotidien la région dans leurs véhicules, souvent des pick-up, mais pas uniquement (Sandor 2016).
B. Tamanrasset : carrefour, concentration et éloignement
Tamanrasset est en quelque sorte la capitale du Hoggar et est considérée comme le cœur du territoire touareg en Algérie. Toutefois, cette ville est devenue le lieu de pouvoir de la chefferie traditionnelle qu’à l’époque de l’amenokal Moussa Ag Amastane au début du XXe siècle (entrevue avec un cadre Kel Ghela, Tamanrasset, 8 février 2025). Plusieurs symboles ornent les murs de la ville, comme la « clé de Tamanrasset » qui est initialement la clé du cadenas servant pour verrouiller les coffres, lieux de rangement, dans leurs habitations traditionnelles (Badi 2004 ; Spiga 2022). Les Touaregs côtoient les autres citadins dans la ville et l’arabe dialectal constitue la lingua franca dans l’espace public, bien qu’ils continuent de parler le tamahak en privé ou entre eux. Tamanrasset, aussi prénommée par son diminutif « Tam », constitue un lieu d’opportunité pour trouver de l’emploi, pour l’accès aux services (médecins spécialistes, par exemple) et à des formations universitaires non disponibles, sinon très difficilement, en dehors de Tamanrasset pour les Touaregs qui vivent dans le Hoggar. Ensuite, certains Touaregs décident de travailler sur Tam, dans les services administratifs et publics, ou via une activité commerciale, tout en laissant une partie de leur famille vivre à l’extérieur de la ville et plus proche d’une réalité nomade. Certains scolarisent leurs enfants à Tamanrasset ou viennent sporadiquement pour les services et repartent aussitôt dans leurs villages et campements. Enfin, un Touareg, membre de la famille de la chefferie, confirmait au premier auteur l’importance de créer ses réseaux sur Tam. La ville demeure un lieu incontournable pour les élites touarègues, car elle est au cœur de l’arène politique de la région. Pour influencer les décideurs et pour influencer le politique, entre autres en se faisant élire ou en faisant élire un de ses parents touaregs. Ainsi, ce Touareg s’y est établi, mais continue à sillonner le désert, dès qu’il en a l’occasion. De nombreux Touaregs ont investi le secteur du tourisme, en ayant ouvert des agences de voyages à Tam pour faire visiter le désert aux touristes algériens et étrangers et maintenir une forme de nomadisme, où la ville exerce un pouvoir d’attraction pour les opportunités possibles et aussi de répulsion pour sa densité démographique et sa tendance à éloigner du mode de vie nomade et des valeurs « traditionnelles ».
CONCLUSION
Tout au long de cet article, il a été possible de constater que la mobilité n’est pas à dissocier de représentations territoriales (Engelhard 2023). Elle est parfois intimement liée, dans un jeu d’attraction et répulsion, avec la réalité sédentaire comme dans le cas de la ville de Tamanrasset. De plus, la mobilité est aussi à appréhender comme une stratégie de résistance face à une autorité centrale, comme cela a pu être démontré pour le temps colonial en Algérie. Elle est aussi redéfinie à travers des compromis avec les réalités nouvelles de l’État postcolonial et un lieu de négociation où la réalité nomade s’estompe, mais ne s’évanouit pas. Elle se réinvente parfois avec de nouvelles hybridités avec les réalités sédentaires.
En historicisant rapidement la relation entre mobilité, autochtonie et stratégies politiques dans le cadre des communautés touarègues de l’Algérie, il est possible de noter que la période précoloniale s’est caractérisée par des dynamiques changeantes, où la mobilité était au cœur des jeux de pouvoir au sein des communautés nomades, mais aussi, entre celles-ci et les communautés sédentaires. Puis, l’évènement transformateur qu’a incarné la colonisation française, plus particulièrement à partir de la bataille de Tit de 1902, a conduit les Touaregs à mobiliser différentes stratégies pour conserver leur autonomie politique. La mobilité a été au cœur de ses stratégies, qu’elles aient été sur le registre de la résistance ou de l’esquive. Elle fut plus utilisée par les nomades que les sédentaires du Sahara algérien, car la mobilité s’inscrivait aussi dans leur mode de vie et leur substrat culturel. Ainsi, les pratiques de mobilité chez les Touaregs s’ancrent à la fois sur des considérations culturelles, politiques et stratégiques. Enfin, au cours de la période postcoloniale, une vision politique ancrée dans une certaine mobilité face à une autorité centrale et une administration sédentaire se perpétue. Elle n’est toutefois pas pensée sur une logique confrontationnelle, mais témoigne plutôt du souci d’une préservation culturelle et d’un souhait de conserver une centralité dans les arènes politiques des territoires « traditionnels ». La mobilité des communautés touarègues du XXIe siècle est en partie conservée et se réinvente pour préserver un substrat culturel et continuer une affirmation politique au sein des arènes nationales, régionales et locales.
Le présent article n’a donné qu’un aperçu de la manière dont la mobilité constituait une stratégie politique autochtone chez les Touaregs. De nombreuses questions demeurent. L’article s’est principalement focalisé sur le Hoggar, surtout dans le cas de la période postcoloniale, et un questionnement similaire doit être posé sur les Touaregs de l’Ajjer algérien, écosystème « traditionnellement » plus ancré avec les populations sédentaires et la culture des jardins (Badi 2015). De plus, deux stratégies de résistance utilisant le mouvement à l’époque coloniale ont été ici ébauchées. Il convient de détailler et identifier davantage de stratégies mobilisées par les Touaregs au cours de la période coloniale. Enfin, l’article n’avait pas pour propos de détailler les trajectoires des leaders et élites politiques touarègues, mais il serait intéressant de comprendre comment les élites touarègues (et plus généralement nomades) ont interagi avec les autorités pendant les périodes coloniale et postcoloniale en Algérie, en analysant entre autres les évolutions connues par les chefferies traditionnelles. Au sein de la littérature, ce travail a été davantage réalisé pour les Touaregs du Niger et du Mali, et aussi pour les élites maures en Mauritanie (Bencherif 2019c ; Bonte et Claudot-Hawad 2014 ; Ould Ahmed Salem 1998 ; Ould Cheikh 1998 ; Saïdou 2014). Enfin, il serait approprié de poursuivre les travaux sur communautés touarègues en Algérie, en les étudiant dans une logique plus relationnelle avec les autres communautés, à l’image des travaux initiés par Grémont (2010) au Mali et Rossi (2015a) au Niger.
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[1] Nous tenons à remercier les évaluateurs, le rédacteur en chef de la revue et les coordonnateurs de ce numéro pour leur aide aux différentes étapes du projet. Nous remercions aussi Yacine Hamdi et Rémi Brosseau-Fortier pour leurs généreux commentaires pendant l’écriture et lors de la finalisation de cet article. Cette recherche a été réalisée grâce au soutien du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, via une subvention de développement Savoir (430-2023-00929) octroyé à Dr. Adib Bencherif, et à une bourse de maitrise en recherche octroyée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (348272) à Audrey Tremblay.
[2] À noter qu’à une période reculée, où la communauté des Imenan était dominante, des témoignages oraux recueillis semblent énoncer que les Kel Ahaggar et les Kel Ajjer étaient une seule et même confédération.
[3] Bien que ce terme semble faire référence aux personnes du Hoggar, il semble qu’il soit couramment employé pour qualifier les personnes appartenant aux catégories statutaires dominantes dans le Hoggar et l’Ajjer. Cela peut attester des nombreuses relations ayant existé entre les communautés et, éventuellement, renforcer l’appartenance initiale à une même confédération avant de constituer deux pôles de pouvoir (Rognon et al. 1986).
[4] Les dénominations peuvent varier. Certains acteurs préfèrent la qualification de Kel Ulli (ceux des chèvres) dans le Hoggar pour signifier davantage l’activité économique, soit l’élevage de chèvres, plutôt que des logiques statutaires (Badi 2015).
Auteur.ices :
Adib BENCHERIF est professeur adjoint à l’École de politique appliquée et directeur du Laboratoire interdisciplinaire sur les risques et les crises (LIRIC), Université de Sherbrooke
Audrey TREMBLAY est étudiante à la maitrise à l’École de politique appliquée, Université de Sherbrooke

