Les DAO (Decentralized Autonomous Organizations)
sont-elles des agglomérats de nudges ?

Pierre Klimt


Résumé

En partant des constats de l’omniprésence des nudges dans les « écosystèmes » blockchain et d’une convergence entre les fondements philosophico-politiques de la blockchain et du nudging, cet article propose une approche critique de l’automatisation organisationnelle qui constitue l’horizon et l’un des moyens privilégiés du développement des DAO (Decentralized Autonomous Organizations). Ces entités fonctionnent en effet largement grâce à la blockchain, dont nous analysons ici d’abord, grâce à la théorie de l’hypernudge, le potentiel de concrétisation numérique d’une forme de dérive systémique de l’usage des sciences comportementales. Ayant conclu à l’inopportunité de l’application de la qualification d’hypernudge aux blockchains en elles-mêmes, nous proposons de qualifier celles-ci de systèmes complexes dont les architectes tentent de réduire l’incertitude ontologique. À partir de ce résultat, nous concluons que si les DAO agglomèrent des nudges, c’est qu’elles sont des organisations dont la complexité redouble celle de la blockchain et que, à ce titre, elles agglomèrent avant tout des normes.

Abstract

Drawing from two observations – the omnipresence of nudges in blockchain « ecosystems » and a convergence between the philosophico-political foundations of blockchain and nudging – this article proposes a critical approach to the organizational automation that constitutes the horizon and one of the privileged means for the development of DAOs (Decentralized Autonomous Organizations). These entities operate largely thanks to the blockchain, whose potential for digital concretization of a form of systemic abuses in the use of behavioral sciences is first analyzed using hypernudge theory. Having concluded that it would be inappropriate to apply the hypernudge qualification to blockchains per se, we propose to qualify them as complex systems whose architects attempt to reduce ontological uncertainty. From this result, we conclude that if DAOs agglomerate nudges, it’s because they are organizations whose complexity redoubles that of the blockchain and therefore agglomerate norms above all.

Citer cet article

Klimt, Pierre. 2023. « Les DAO (Decentralized Autonomous Organizations) sont-elles des agglomérats de nudges ? ». Nomopolis 1.

Une organisation autonome décentralisée, ou DAO (Decentralized Autonomous Organizations) est un système basé sur la blockchain qui permet à des gens de se coordonner et de se gouverner, médié par un ensemble de règles s’auto-exécutant déployé sur une blockchain publique, et dont la gouvernance est décentralisée (i.e., indépendante de toute forme de contrôle centralisé) (Hassan, De Filippi, 2021).

Les membres d’une DAO sont censément mus par un but partagé, et la coordination de leur action est à la fois définie et rendue possible par le recours à la blockchain afin d’exécuter des actions de gouvernance ou des échanges de valeur.

Les blockchains sont en effet une technique de registre distribué (DLT : distributed ledger technology) caractérisée par l’usage combiné du chiffrement asymétrique, de la rotation conditionnée de la charge de proposition de « blocs » de données constituant la « chaîne » et de la certification à la chaîne de ces « blocs » horodatés de données – le « minage » -, de la distribution du registre constitué par l’ensemble de ces blocs et de la distribution du consensus sur l’état de ce registre, pour créer une sorte de « livre de compte » distribué, certifié et incorruptible. Cette base de données peut ainsi enregistrer et donner à voir, publiquement[1], toutes sortes d’informations (échanges, propriété, identité, …) sans qu’il soit a priori nécessaire de recourir à un tiers de confiance pour les garantir.

Toute correction de ce registre supposerait en effet l’accord de plus de 50% des participants – les « mineurs » – proposant des blocs de données. Or, ceux-ci sont supposément nombreux et dispersés, donc difficiles à subvertir dans leur majorité. Leur activité est souvent perçue comme résumant le fonctionnement des blockchains en tant que réseaux sécurisés par une distribution de fonctions : elle implique la consommation d’une ressource spécifique (puissance de calcul ou investissement de capital) afin de pouvoir participer à une compétition probabiliste dont l’issue est l’obtention du droit de proposer un nouveau bloc de données à ajouter au registre, bloc incluant le contenu et l’ordre des transactions qu’il agglomère (Alsindi, Lotti, 2021). Le « minage » est incité par des rétributions qui prennent la forme de récompenses en cryptomonnaies, d’où sa dénomination symbolique.

Mais la blockchain est aussi considérée comme une véritable « technologie institutionnelle » (Davidson, De Filippi, Potts, 2018), supportant la coordination et la gouvernance d’activités non seulement économiques et financières, mais également sociales, culturelles, voire publiques.

De fait, contrairement à Bitcoin, qui est parfois présentée comme une proto-DAO (Sims, 2021), certaines blockchains (Ethereum, Cardano, Solana, …) sont conçues comme des systèmes d’exploitation, c’est-à-dire des plateformes accueillant des applications. C’est ce qui permet la construction, sur ces réseaux, d’« organisations » profitant techniquement de la sécurité, de l’intangibilité, de l’inviolabilité et de la transparence de la blockchain-support.

Les DAO ont pu être présentées, de façon lapidaire mais imagée, comme « un tchat de groupe avec un compte bancaire » ou encore comme « des collectifs qui utilisent l’automatisation et le crowdsourcing pour prendre des décisions » (The Economist, 2022). Leur fonctionnement est parfois illustré grâce à une comparaison avec un « distributeur automatique » : ce dernier est supposément automatisé et autonome pour son fonctionnement quotidien, mais nécessite toujours des interventions humaines pour fonctionner (être rempli, maintenu, récolter l’argent, etc.). Une DAO pourrait quant à elle, via des programmes, des robots et plus largement l’Internet des objets (IoT : Internet of Things), exécuter automatiquement une grande partie de ces fonctions, même s’il a été très tôt précisé qu’une DAO était une « entité vivant sur internet et existant de manière autonome », certes, « mais s’appuyant également fortement sur des individus pour effectuer certaines tâches que l’automate ne peut accomplir » (Buterin, 2014).

Concrètement, les DAO sont en premier lieu des « paquets de smart contracts (STOA, 2017) », soit autant de règles de gouvernance codées informatiquement et automatiquement garanties et exécutées par la blockchain. Une fois traduits en code et inscrits sur un registre blockchain, les smart contracts, quand il est interagi avec leur adresse publique, sont exécutés par les nœuds participant au réseau blockchain, qui suivent et stockent les changements d’état du registre, permettant aux parties d’automatiser des fonctions conditionnées par cet état en suivant une logique déterministe de type « si X alors Y » (Awrey, 2019). Au-delà, la blockchain peut servir de couche interopérable pour héberger des systèmes algorithmiques, dont les capacités d’apprentissage automatique soutiennent les smart contracts pour leur permettre de gérer des transactions plus complexes et dynamiques (Zou, 2022).

Prospérant sur ces techniques, la diversité concrète des DAO, de leurs structures et de leurs objets, est immense[2]. Elles participent autant de la gouvernance par la blockchain que de la gouvernance des blockchains. En tant qu’objet d’étude, ce caractère redouble leur complexité inhérente et elles demeurent une catégorie d’organisations évasive et sous-théorisée (Nabben, 2023), dont il est difficile de tracer les contours.

Une brève présentation de deux DAO parmi les plus connues peut permettre d’illustrer cette diversité[3].

TheDAO, créée en 2016 et déployée grâce à des smart contracts fonctionnant sur la blockchain Ethereum, était un fonds d’investissement géré collectivement par les individus ayant acquis des jetons (tokens) de gouvernance contre de l’ETH (l’actif du réseau Ethereum). La détention de ces jetons permettait de soumettre des propositions d’investissement, de voter sur ces propositions, et de recevoir des dividendes sur les profits réalisés grâce auxdits investissements. À la suite d’un piratage ayant conduit, via une vulnérabilité dans le code d’un smart contract, au détournement de plus d’un tiers des fonds de l’organisation, la communauté d’Ethereum a majoritairement décidé, de façon tout à fait exceptionnelle (et controversée), d’annuler les conséquences de cette transaction en révisant le contenu de son registre blockchain (grâce à une duplication avec modification : un hard fork), mettant du même coup fin à l’organisation (Polrot, 2017).

Fort différente quant à ses finalités, mais presque aussi connue, ConstitutionDAO était une organisation (fonctionnant également sur Ethereum) ayant récolté 47 millions de dollars afin d’acquérir aux enchères une des treize dernières copies originales de la Constitution américaine. Le but affiché était, sous réserve d’un vote favorable des membres en ce sens, de confier le document à un musée, et de faire participer le public à la mise en valeur de ce patrimoine. Malheureusement pour eux, les membres de cette organisation n’ont pas remporté l’enchère, et ont été depuis remboursés de leur apport en ETH, moins les frais de transaction.

Le recours à la théorie des nudges et de leur usage nous paraît constituer un prisme d’étude de ces objets fort intéressant, et ce à deux égards. Le premier, subsidiaire dans la mesure où cette étude sera majoritairement conceptuelle, est que les nudges, en tant que « coups de pouce » sont partout présents dès lors qu’il est question de blockchains et de DAO, tout particulièrement chez leurs fondateurs, utilisateurs et laudateurs. Le second est celui d’une convergence troublante entre les fondements philosophico-politiques de la blockchain et ceux des nudges compris comme « philosophie cohérente de la régulation (Yeung, 2012) ».

Dans les deux cas, en effet, un point d’achoppement récurrent paraît être celui des rapports de ces théories avec l’autonomie, individuelle et collective, et de l’effectivité de leurs assertions à ce sujet, alors même que la légitimité de l’usage de ces techniques, dérive du fait qu’elles introduisent une « perspective (relativement) nouvelle à travers laquelle on peut voir le monde », et paraissent présenter le potentiel « d’ordonner et de contrôler les personnes, les institutions, les systèmes et les réseaux dans ce monde (Herian, 2018) ». Pour les blockchains et les DAO comme pour la régulation par les nudges, il reste à clarifier si c’est seulement le système institué qui est autonomisé, ou si cette dynamique d’autonomisation profite bien également et prioritairement aux individus et à leur collectivité.

Il nous semble que la convergence des critiques visant ces deux théories ne doit rien au hasard. C’est elle que nous avons tenté de ramasser sous le terme d’« agglomérat », appliqué ici aux DAO, et que l’on peut comprendre comme un « amas artificiellement organisé d’éléments hétéroclites (Larousse) », dont la technique et la technologie sous-jacente ne parviennent pas toujours à faire un agrégat cohérent.

C’est que le fantasme de l’automatisation organisationnelle complète éclipse, dans les deux cas, la relation dialectique existant entre l’humain, d’une part, et la technique et la science, d’autre part, au nom du primat de la cryptographie et des réseaux informatiques, des sciences cognitives et comportementales, voire d’une alliance des deux.

La comparaison de ces deux théories doit donc permettre d’établir, pour chacune et entre elles, une forme de « boucle récursive (Cserne, 2017) », dont le résultat attendu est la précision des imaginaires socio-techniques dont elles sont porteuses et de l’impact qui est potentiellement le leur sur les cadres juridiques et culturels de nos sociétés. En traitant in fine des rapports entre « droit et sciences comportementales (Sybony, Alemanno, 2017) », les perspectives critiques propres à la blockchain font notamment apparaître en quoi le nudging a des implications sociales et normatives qui vont bien au-delà du champ d’application matérielle des dispositifs mis en place.

Dans une première partie, nous nous demandons si les blockchains qui supportent les DAO peuvent être considérées comme des hypernudges, participant de la concrétisation numérique d’une forme de dérive systémique de l’usage des sciences comportementales. Nous constatons que, si elles présentent ce potentiel en tant qu’architectures de choix libertariennes et paternalistes, les blockchains ne sont pas encore des hypernudges mais plutôt des systèmes complexes dont les architectes tentent de réduire l’incertitude ontologique (I). Dans une seconde partie, nous constatons en conséquence que si les DAO agglomèrent des nudges, c’est avant tout parce qu’elles sont des organisations qui agglomèrent des normes (II).

I. LES BLOCKCHAINS SONT-ELLES DES HYPERNUDGES ?

En empruntant à la théorie de l’hypernudge, la confrontation des fondements philosophico-politiques des blockchains et du nudging fait apparaître à frais nouveaux ce qu’ils ont chacun de contradictoire. Si la blockchain illustre assez radicalement les contradictions inhérentes au « paternalisme libertarien » (A), elle demeure cependant relativement éloignée du modèle-repoussoir plateforme numérique-hypernudge (B).

 A. Les blockchains sont des architectures de choix libertariennes et paternalistes

Les sciences cognitives et comportementales ont donné ses fondements à la théorie du nudge élaborée par Thaler et Sunstein ([2008] 2022), mêlant les apports de la psychologie, du marketing et des neurosciences pour aboutir, via le mouvement Behavioural Law and Economics (BLE), à un programme normatif qualifié de « paternalisme libertarien ». Celui-ci légitime le recours aux nudges dans les politiques publiques par le postulat d’une rationalité humaine limitée (bounded rationality), l’individu étant par nature sujet à des biais cognitifs empiriquement constatés (Flückiger, 2018). Ces altérations du comportement humain, du fait de leur répétibilité, seraient prévisibles voire prédictibles (Sibony, Helleringer et Alemanno, 2016 :327), permettant en retour l’activation de multiples leviers cognitifs « non-coercitifs ». La nature soft du paternalisme ainsi prôné ne parvient toutefois pas toujours à dissiper ses ambiguïtés, notamment au sujet des déterminismes-automatismes auxquels il fait appel et qu’il institue (Yeung, 2016) et de la part de « furtivité » (Mols et al. 2015) qu’il revêt. Le recours aux nudges par les gouvernants reposerait ainsi sur un « mélange séduisant de réalisme socio-scientifique et d’aspirations politiques minimalistes (Bubb et Pildes, 2014 :1677) » : ces techniques sont mises à profit par des « architectes du choix » pour façonner, dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques, des « architectures de choix » constituant et exploitant l’environnement dans lequel les individus prennent leurs décisions (Shafir, 2013).

Évaluée à l’aune de ces fondements, la blockchain peut apparaître nettement plus libertarienne que le nudging, en ce qu’elle est au départ le produit de l’idéologie libertaire du mouvement crypto-anarchiste des cypherpunks. Ceux-ci voyaient dans l’association des réseaux pair-à-pair et de la cryptographie le moyen de créer un système de communication et d’échange structurellement générateur de liberté individuelle car techniquement débarrassé des biais humains imposant intermédiaires et hiérarchies (Goanta et Hopman, 2020). L’efficacité de cette architecture numérique en fait « un mode de contrôle qui fonctionne même au sein de systèmes sociaux distribués, fluides, pseudo-anonymes et apparemment non autoritaires (Velasco, 2017) ». Il en résulte une proximité avec les axiomes résumés du libertarisme (Hurd, 2016 :709), dont peine à se revendiquer le nudging.

Les usages des actuels réseaux et applications décentralisés ont toutefois conduit à privilégier une autre caractéristique fondamentale de la blockchain, qui est qu’elle repose pour sa sécurisation sur la régulation « naturelle » du libre-marché. Les blockchains génèrent en effet de l’assurance pour les utilisateurs (De Filippi, Mannan et Reijers, 2020) grâce à l’automatisation et à l’impartialité du protocole régissant le fonctionnement du réseau, mais aussi grâce aux incitations économiques inhérentes aux « web 3.0 », pour la décentralisation duquel il importe de rémunérer les opérateurs distribués qui le sécurisent (« mineurs » ou « validateurs »).

La théorie des nudges insiste, il est vrai, sur le fait que ceux-ci doivent être distingués des incitations économiques. Fonctionnellement, et selon le type de nudges envisagé, l’idée reste néanmoins comme pour la blockchain de réduire la « friction » du système à certains endroits pour en ajouter à d’autres (Halpern, 2019:78). Le but de la blockchain est bien de faciliter l’échange d’information (de valeur), tout en rendant extrêmement difficile l’altération de celle-ci ou sa prédation par toute forme de médiation. Quant aux autres conseils que fournit David Halpern (2019) aux nudgers afin de maximiser l’effectivité de leur action (attirer l’attention – jouer sur le contexte social – prendre en compte le moment), ils sont omniprésents tant dans le narratif de l’« utopie blockchain » (Kohl, 2021) que dans les pratiques du milieu web 3.0. Ces convergences ne sont guère surprenantes, si l’on veut bien reconnaître que, là où la blockchain associe explicitement l’automatisme à l’incitation économique, le nudging, largement tributaire de la psychologie du marketing (Viale, 2022), repose sur des « biais » ou des « exceptions » elles-mêmes définies par rapport à une rationalité idéale qui demeure celle d’homo eoconomicus (Fontanille, 2021:7).

Les aspirations crypto-anarchistes de la blockchain se sont dissipées, laissant place à des arbitrages entre robustesse et efficience du réseau, et reposant sur un paternalisme nettement plus assumé que dans la théorie des nudges. Dès lors que la blockchain constitue et supporte des algorithmes traitant des quantités massives de données, les applications qu’elle permet apparaissent susceptibles de créer leurs propres « hypothèses à propos du monde », immédiatement opérationnelles (Rouvroy et Stiegler, 2015:118). La ressemblance avec les sciences cognitives et comportementales est troublante, celles-ci tendant à faire émerger un nouveau paradigme dans lequel des vérités révélées (Deakin, 2021:51) devraient guider l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, qui passeraient de l’art à la science (Halpern, 2019:347). Dans le cas de la blockchain, le paternalisme est encore considérablement renforcé par l’intangibilité du registre vis-à-vis duquel le protocole prohibe toute divergence : ce déterminisme automatisé repose en effet sur des architectures édifiées par des architectes, nécessairement habités par une motivation guidant leur action. À ce stade, qui est celui du design institutionnel, resurgit donc l’intermédiaire, et le soupçon de l’autoritarisme ou de la manipulation.

B. Les blockchains ne sont pas des hypernudges

Il ne fait guère de mystères que les entreprises, et en particulier les acteurs de l’économie numérique, utilisent des stratégies fondées sur les sciences cognitives et comportementales afin d’orienter les choix des consommateurs. Ce « digital nudging » (Calo, 2014) prend une autre envergure lorsqu’il y est associé le recours au Machine Learning, ouvrant la voie à des « nudges 3.0 » (Halpern, 2019:365), susceptibles d’influencer les pratiques sociales à grande échelle. Karen Yeung (2017) a ainsi forgé la notion d’hypernudge pour décrire des techniques d’orientation algorithmique de décision, considérant qu’en dépit de la complexité et de la sophistication des processus algorithmiques utilisés par les plateformes numériques, ceux-ci reposent en fin de compte sur un mécanisme structurel relativement simple en apparence : le nudge. Selon l’auteur, les nudges analytiques du Big Data (ce dernier consistant à extraire des données pour créer des modèles, à transformer ces modèles en analyses prédictives et appliquer les analyses à de nouvelles données) sont extrêmement puissants et performants, en raison de leur nature en réseau, actualisée en permanence, dynamique et omniprésente (Ibid.). Les hypernudges, précise un autre auteur, en tant que systèmes d’orientation dynamiquement personnalisée des utilisateurs, constituent un moyen pour les marchés numériques de pénétrer le tissu des structures sociétales avec des modèles commerciaux basés sur les données (Morozovaite, 2023). Stuart Mills (2022), qui considère que les hypernudges constituent concrètement des systèmes de nudges connectés d’une manière technologiquement médiatisée afin d’influencer continuellement le comportement humain, ou plus simplement « des systèmes de « nudges » qui évoluent dans le temps et en fonction de retours d’informations (Ibid.:4) », insiste par ailleurs sur les caractéristiques cumulatives de ces systèmes : personnalisation dynamique, reconfiguration en temps-réel, capacité prédictive et dissimulation[4]. Un exemple topique est celui d’un site d’achat en ligne, dont un utilisateur se voit soumettre une succession de nudges numériquement médiatisés, chaque réaction ou absence de réaction (achat, consultation de produit) jusqu’à ce qu’il cesse d’utiliser le réseau étant l’occasion d’un retour d’information conduisant à une adaptation en temps réel (une personnalisation) de ces nudges successifs (recommandation évolutive de produits).

Par-delà le paradigme capitalistique des plateformes (Srnicek, 2018) et de la surveillance (Zuboff, 2015), l’hypernudge propulse ainsi la régulation par les nudges au stade de la gouvernance algorithmique, fondée sur une conception prédictive et atomiciste de la gouvernementalité des conduites (Rouvroy et Berns, 2013:173). Les hypernudges, ces architectures de choix composées de nudges numériques, alimentées et reconfigurées en temps réel par les données des utilisateurs et du réseau, constituent en ce sens une forme « postmoderne » de « régulation opérationnelle-décisionnelle » (Freitag, 1998:22) qui, lorsqu’elle est associée au développement croissant de systèmes cyber-physiques intégrés (aujourd’hui, le metaverse ou la réalité immersive), présente tout le potentiel d’une « physique de surveillance » (McStay, 2023).

Les blockchains publiques présentent-elles les caractéristiques d’un hypernudge ? Cette qualification peut être tentante, ou du moins paraître proposer un prisme critique approprié si l’on veut bien considérer que les mécanismes décisionnels institués sur les réseaux blockchains, notamment grâce aux smart contracts et DAO, permettent d’automatiser largement les relations entre individus et entités publiques ou privées, réduisant ces relations à une « série d’interactions atomiques instantanées (Buterin, 2014) ». Ces modèles (au sens statistique) seraient potentiellement plus efficaces que les modèles agrégés classiques en ce qu’ils proposeraient, pour les infrastructures réseau instituées, une manière plus représentative et fluide d’intégrer la réalité et d’interagir avec celle-ci. Lana Swartz emploie à cet égard l’expression de « travaux de maintenance infrastructurelle » (2017:102), afin de souligner la différence entre le fonctionnement effectif « corporatif » (Ibid.:96-97) de la blockchain et les imaginaires techno-libertaires « radicaux » de celle-ci, plus émancipateurs. Cette dynamique de transduction [atomicisme effectuant – immédiateté fonctionnelle – réalité ratifiée] informant et guidant – au mieux – voire supplantant la décision, rend la blockchain « difficilement dissociable des nombreuses préoccupations qui continuent de peser sur la réglementation des réseaux et systèmes basés sur l’internet (Herian, 2018:167) ». En ce sens, la systématisation critique opérée par la notion d’hypernudge fait apparaître les fondements cybernétiques communs à la régulation opérée par l’hypernudge (Yeung, 2017:122), et à la gouvernance par la blockchain (Nabben, 2021a).

Quoi qu’il en soit, et en dépit du potentiel considérable d’intégration numérique des blockchains (Swan, 2015:43 ; Käll, 2018), l’application des critères proposés ci-dessus ne peut toutefois se faire que trop partiellement aux protocoles des blockchains, en eux-mêmes, pour que l’on puisse les qualifier d’hypernudge.

Un tel exercice donne en revanche un aperçu de la complexité socio-technique des blockchains, là où la seule technique était précisément censée « solutionner » un certain nombre d’aléas sociaux. Le dynamisme et la reconfiguration de leur protocole, voire de leur registre, sont par exemple incorporés dans le code lui-même (l’ajustement de la difficulté du minage en fonction de la puissance de calcul présente sur le réseau – le hashrate – ; l’ajustement régulier du volume de récompenses obtenues en contrepartie d’un bloc – le halving -), ou peuvent résulter de conflits sur l’état du registre (les hard forks), sans que leur fréquence ne puisse cependant les apparenter aux hypernudges. Le parallèle entre la dissimulation caractéristique des hypernudges et la relative transparence effective des blockchains, et surtout des écosystèmes « décentralisés » qui les utilisent[5], paraît en revanche assez crédible, mais implique une analyse allant au-delà du protocole-support. Même avec cette réserve, néanmoins, un élément en particulier parmi les différents « fardeaux » caractéristiques des hypernudges selon Mills (2022) peut être appliqué aux blockchains, à savoir le « fardeau de la compréhension » de ce qu’elles sont effectivement, et qui conditionne au demeurant leur acceptabilité sociale.

Plutôt que des hypernudges, les blockchains sont en réalité des systèmes complexes (Hacker, 2021:107), superposant et entremêlant plusieurs niveaux et modes de gouvernance (Tan, Mahula, Crompvoets, 2022), et dont les architectes/gouvernants, tentent certes de réduire l’incertitude mais défendent également des intérêts, s’inscrivant de ce fait dans des rapports de pouvoirs. Ceux-ci résultent de la présence rémanente d’intermédiaires qui, sans contrôler totalement le réseau, s’avèrent susceptibles d’en influencer considérablement le fonctionnement et l’évolution structurelle : les « mineurs », notamment s’ils s’associent, les utilisateurs détenteurs de capital, ou encore les développeurs et fondateurs détiennent tous une part variable et parfois mixte de pouvoir et d’influence sur le réseau.

L’expression « dictateur bienveillant (Ledhonvirta, 2022:148) », employée à l’égard de Vitalik Butterin, fondateur du réseau Ethereum, est d’ailleurs très proche de celle de « décideur rationnel bienveillant » (Lodge et Wegrich, 2016:252), employée pour décrire les architectes du choix dans la théorie des nudges. Quant aux « mineurs » (ou « validateurs »), le fonctionnement du mécanisme d’incitation-automatisation qu’ils exploitent est très variable d’un réseau à un autre, et constitue en lui-même un sous-système complexe d’un réseau blockchain, dépendant de multiples facteurs : fluctuations du marché, accessibilité de l’activité et des fonds, du matériel ou du logiciel qu’elle nécessite, rapports de force propres au réseau (regroupements et concentrations de mineurs-détenteurs de capitaux), voire politique et géopolitique (réglementation directe ou indirecte) du minage.

De même que la politique ne se réduit pas à l’organisation d’une cafeteria (Schlag, 2010:924), la gouvernance de et par la blockchain ne saurait donc être réduite au fonctionnement régulé du réseau technique. Les architectes du réseau sont des fondateurs, potentiellement des gouvernants et des régulateurs, et leur propre rationalité, comme celle de tous les dirigeants et nudgers, n’est pas exempte de biais (Lodge et Wegrich, 2016:253 ; Viale, 2022). Cette gouvernance ne se réduit pas davantage à la simple régulation d’un système fonctionnant en vase clos et, de même que l’acceptabilité sociale, la compatibilité avec les systèmes et normes juridiques externes doit être prise en compte (Finck, 2018:86 ; Yeung, 2019). Cette gouvernance ne saurait se satisfaire, enfin, d’une approche atomiciste des dynamiques collectives dérivée de la focalisation individualiste combinée des sciences cognitives et comportementales et de la gouvernementalité algorithmique (Bergeron et al., 2018:107 ; Herian, 2018:165), tant celle-ci peine à rendre compte des déterminants et dynamiques de la décision collective, tels que la délibération.

II. LES DAO AGGLOMERENT DES NUDGES

Ce qu’illustre bien cette accumulation, dans sa diversité, c’est que les DAO sont des organisations, dont la complexité découle de – mais également redouble – celle de la blockchain (A). Ce qui l’explique, c’est qu’il apparaît que les DAO n’agglomèrent des nudges que parce qu’elles agglomèrent des normes (B).

A. Les DAO ne sont pas des agglomérats de nudges mais des organisations

Dédiées à l’institutionnalisation de communautés d’individus partageant un même but, les DAO émergent et prospèrent à partir de deux types de propositions de valeur (Kaal, 2021:19) : d’une part, la coopération au sein d’un réseau décentralisé, permettant des prises de décision transparentes et rapides liées à la gestion « démocratique » des ressources mises en commun ; d’autre part, la poursuite d’un objectif particulier répondant aux aspirations plus sélectives des membres.

En relation avec la théorie des nudges, on constate que le premier point découle d’une appréhension très généraliste, techno-enthousiaste et fonctionnaliste du terme « décentralisation », qui y voit « les conditions dans lesquelles les actions de nombreux agents sont cohérentes et efficaces, bien qu’elles ne reposent pas sur une réduction du nombre de personnes dont la volonté compte pour mener une action efficace (Benkler, 2006:62) ». L’ambigüité est présente, voire entretenue, quant à la présence ou non d’une dimension véritablement réflexive et délibérative, réellement favorisée par les architectures de choix des DAO (nudges compris). Si l’on considère la théorie du processus dual de raisonnement de Kahnemann (2011), la sollicitation efficace par des nudges du « système 2 », c’est-à-dire d’un traitement délibéré et conscient de l’information, aurait pour condition que ce vers quoi il est renvoyé, à savoir l’architecture de choix des DAO, corresponde effectivement à un espace « réflexif ». L’effectivité d’un usage « responsable » des nudges, c’est-à-dire le seul recours à des nudges de « type 2 » (Hansen et Jespersen, 2013), en appelant aux deux processus de raisonnement (le système 1 comme le système 2) mais uniquement dans le but d’activer le « système 2 » réflexif, dépend d’abord d’une appréciation critique des potentialités des organisations en cause.

La diversité des buts poursuivis par les DAO et de leurs structurations conséquentes[6] semble obérer toute généralisation, même si un certain nombre de tendances s’avèrent rémanentes, comme l’illustre l’omniprésence de nudges « graphiques » (logos, illustrations, dénominations) – pour emprunter à une catégorisation simplifiée proposée par Sunstein (2014) – et qui renvoient à des visions plus ou moins développées dans les White Papers de chaque projet.

À titre d’exemple, Moloch DAO poursuivait de façon singulière l’idéal cypherpunk du réseau pair-à-pair, donnant à la « décentralisation » une signification des plus idéalistes afin de financer le développement des infrastructures liées au réseau Ethereum. Le « Moloch » constituait le logo de la DAO en même temps qu’un meme et la figure à abattre, à savoir les problèmes « associés à l’action collective, où les incitations individuelles ne sont pas alignées sur les objectifs de la collectivité » (Soleimani et al., 2018). Le projet terra0 fait quant à lui appel aux expressions de prairie, de forêt et d’écologie « cybernétiques » pour décrire son objectif relatif à la gestion des communs (pas seulement numériques)[7]. D’autres organisations poursuivent plus simplement l’idéal de l’expression libre caractéristique du web 1.0, telles que Minds.com, réseau social « décentralisé » appartenant à sa communauté. D’autres encore sont censées incarner par leurs appellations, si ce n’est par leurs structures originales, la considération selon laquelle des processus optimaux de coordination collective émergent dès lors que l’« écosystème » reproduit une sorte de métaphore biologique, mettant l’accent sur l’importance du temps pour financer la création d’autres DAO (Colony) ou se contentant, sans objectif prédéfini, d’une référence explicite comme celle de la ruche (1Hive).

De nombreuses DAO exploitent par ailleurs les signifiants plus classiques de l’autonomie collective, anciens comme modernes. Kleros (système décentralisé de règlement en ligne des différends) ou encore Bosagora (un « écosystème » web 3.0 avec une gouvernance « démocratique » dénommée Congress Network) mettent à profit appellations ou logos explicites. Pour un grand nombre de DAO, qui assument plus directement la gestion d’applications de finance décentralisée (DeFi), les « nudges » se confondent souvent en partie avec les incitations économiques (incentives) : l’efficacité symbolique est mobilisée en complément voire en justification d’une approche fonctionnelle.

Ce qu’illustre cette diversité et ces ambigüités symboliques, c’est selon nous le caractère systématiquement hybride et complexe des organisations que sont les DAO. On ne peut en effet simplement considérer qu’elles vont faire advenir une « démocratie » enfin efficace en résolvant le problème principal-agent (Kaal, 2021:65) par le biais de la technique (Groos, 2021).

De fait, la décentralisation à l’œuvre ne peut être que partielle (Axelsen, Jensen et Ross, 2022), comme le démontre l’évolution récente de la physionomie des DAO : celles de première génération ont échoué à tenir les promesses de la gouvernance automatisée, du fait de leur rigidité, mais également du fait de l’intérêt essentiellement financier des participants (DuPont, 2019:13). Les DAO ont besoin de gouvernants, « d’architectes, et pas seulement d’opérateurs »[8]. Les DAO doivent être considérées pour ce qu’elles sont : des ensembles « humains-machines » qui sont à la fois sociaux et techniques, et dont la gouvernance, « à la fois tacite et explicite » (Nabben, 2023 :40), doit prendre en compte la psychologie humaine et tenir compte de l’importance du lien légal entre les éléments off-chain et on-chain (Brummer et Seira, 2022).

Les DAO semblent ainsi justifier à leur égard que l’on emploie, en lieu et place du terme d’« architecture de choix », celui d’« environnement comportemental incitateur » qui, en prenant en compte l’architecture, le design et le contexte psychologique, permet de rendre compte de l’entremêlement d’actes matériels, contraignants comme incitatifs (Flückiger, 2018 :225). Les biais de leurs architectes les rendent sujettes à une critique intégrée depuis déjà fort longtemps par la cybernétique, et dont on peut déduire que les DAO doivent précisément instituer de la « réflexivité », au niveau individuel, mais également au niveau organisationnel (Zargham et Nabben, 2022). Les échecs de cette institutionnalisation, doublés potentiellement d’une manipulation par les architectes, conduisent à considérer le retour de l’hypothèse « hypernudge », alors même qu’il a pu être envisagé que les DAO constituent une modalité de gestion des données personnelles à même d’éviter cette hypothèse (MacStay, 2023:20-21). On peut se demander, notamment, si le dynamisme de certains mécanismes de défense algorithmique contre les attaques visant la distribution des fonds des DAO – par exemple, les systèmes de réputation (Nabben, 2021b) –, ou celui des systèmes décentralisés de règlement des différends proposés par plusieurs DAO (Guillaume et Riva, 2022) – qui reposent essentiellement sur des incitations économiques (Metzger, 2019) -, ne constituent pas des mécanismes de contrôle social, rappelant le paradigme décrié des plateformes. De façon plus mitigée, il y a certainement lieu de considérer qu’en tentant de préserver l’autonomie des organisations créées, en même temps qu’ils les complexifient, ces mécanismes ne sont pour l’heure que l’illustration de leur immaturité.

Les DAO comprennent aussi une part évidente de « fudging » (Yeung, 2012:148), largement révélée par leur pratique (Xuan, 2023 ; Feichtinger et al., 2023), c’est-à-dire de propension à présenter simplement et de façon attirante des solutions techniques qui, sans résoudre nécessairement les problèmes visés, n’allègent en rien voire alourdissent le « fardeau » de la compréhension. Plutôt que de « blockchain democracy » (Magnuson, 2020), on parlera alors d’organisations soutenues par la blockchain, tout comme il convient semble-t-il, d’après la théorie du nudging, de parler de behaviouraly informed policies, et non de behavioural government.

B. Les DAO agglomèrent les nudges parce qu’elles agglomèrent les normes

 Les nudges que donnent à voir les DAO touchent aux différentes modalités de régulation du cyberespace, telles que distinguées par Lessig (2006) : le droit, les normes sociales, l’économie et l’architecture réseau. Cette diversité, au-delà du marketing, reflète la diversité des « mécanismes de gouvernance, [..] mixtes d’ancien et de nouveau (Sims, 2021:252) » qui structurent et auxquels font appel les DAO. Cette même diversité, et parfois cette profusion, pourrait être considérée comme une forme de retour salutaire des dimensions linguistiques et territoriales de la normativité, quand l’utopie du cyberespace sur laquelle prospèrent encore les DAO se présente, elle, comme un « système graphique hors de tout espace » (Garapon et Lassègue, 2021:39). A minima, la présence des nudges pourrait être un indicateur et une forme d’atténuation positive d’une gouvernementalité algorithmique, tendant par ailleurs à évacuer la réflexivité au profit d’une fonctionnalité opérante (Garapon et Lassègue, 2018:138), et le révélateur d’une dialectique bénéfique entre l’utopie et la rationalité purement technique.

En réalité, il y a tout lieu de penser que ces nudges ne sont ni le résultat d’une « politique d’augmentation esthétique du cognitif » (Al-Shams, 2017:51), ni le produit d’une victoire du réalisme sur la symbolisation, « de la vérité sur l’illusion » (Garapon et Lassègue, 2018:133). Paradoxalement, on assiste plutôt à une artificialisation de l’art et du design qui ne retient que leur dimension purement fonctionnaliste (Al-Shams, Ibid.), concomitante d’une nouvelle forme de représentation, horizon axiologique devenu incontournable – les architectures de choix et les nudges sont partout selon Sunstein (2015) -, et reposant sur la réinterprétation économique et technique des concepts devenus apocryphes de démocratie, de décentralisation et d’autonomie. Le résultat en est aussi contradictoire et inopérant que peut l’être l’expression « lightspeed democracy (Hall et Smith, 2022) ».

Aussi les DAO agglomèrent-elles d’autant plus facilement les nudges qu’elles n’obéissent pas (encore) à un schème d’autolimitation réflexive, et que les finalités politiques contingentes des présupposés techniques structurants sur lesquelles elles reposent ne sont pas systématiquement questionnées. Il y a là une forme d’angle mort de la technique hérité du néolibéralisme, et découlant du fait que la mise en réseau – comme le marché – est directement normative du fait de sa performativité, et peut prétendre se passer de la verticalité, des injonctions et de la médiation des formes propres au gouvernement représentatif (Garapon et Lassègue, 2018:270).

Utiliser la blockchain et des algorithmes pour bâtir des organisations pose la question, a minima, de la nature et donc de la légitimité de cette techno-régulation (Leenes, 2011:149). Pour les DAO, la perspective sinon d’une supériorité, du moins d’une décorrélation de la norme numérico-cognitive d’avec les normes nécessitant interprétation et élaboration collectives, pose la question plus générale de la nature qui est celle de cette norme et de la fonction qu’elle peut (encore) remplir.

La fonction symbolique et culturelle du droit, résultant de sa nature de signification commune, fruit d’un imaginaire social compatible avec ses conditions biologiques et physiques d’existence (Supiot, 2020:28), paraît s’effacer au profit d’un « aplatissement » (Feldman et Lobel, 2017:316) des significations et d’une « simplification mécanique » (Nabben, 2021b:22) du travail d’interprétation du monde censé unifier les composantes d’une collectivité humaine. Ce travail est remplacé par une « naturalisation » de la pensée (Groos, 2021 :150) qui résulte d’assomptions fondées négativement ou positivement sur la rationalité d’homo economicus (Mitchell, 2002:67). D’un biais cognitif à l’autre (Fontanille, 2021:10), c’est la possibilité d’une délibération politique qui s’efface, et tout ce qu’elle peut comporter d’incertitude quant à son contenu.

Cet effacement a pour conséquence l’escamotage de l’exigence générale de rationalité propre au droit, qui conditionne pourtant son impérativité épistémique, et assure ainsi son acceptabilité sociale en tant « qu’orientation normative » (Cserne, 2016:167). Cette compréhension de la rationalité du droit comme résultante de l’interprétation collective découlant de la confrontation délibérante des points de vue (Deakin, 2021:53-54), est de tout évidence mise à mal par l’exigence de fluidification de l’écosystème régulé, de rétroaction en temps réel aux signaux reçus sur laquelle repose la gouvernance. À terme, ce sont donc également les fonctions anthropologique – garantir un « déjà-là », une « règle suffisamment stable de vie sociale (Savatier, 1952:36) » – et dogmatique du droit  – poser des interdits résultant de choix collectifs (Supiot, 2005:184) – qui sont menacées. Celui-ci peut alors devenir un élément parmi d’autres d’un système complexe d’incitations et de contraintes (cognitives, économiques, techniques) étrangères à l’idée de puissance publique et à sa légitimité (Bonnet, 2023). En refoulant sa dimension instituante qu’il sacrifie à une hypothétique effectivité, le droit s’interdit du même coup structurellement d’infirmer ou de limiter les potentialités manipulatrices et autoritaires du système en question. N’a-t-on pas ici l’impression d’avoir ouvert la boîte noire des biais comportementaux simplement pour contribuer, par l’accumulation de données empiriques, et la justification de leur usage à des fins de direction des conduites, à la naissance d’une nouvelle boîte noire (Pasquale, 2015) ?

L’ambiguïté des nudges, comme fluidification individuelle (dans le traitement cognitif des informations) participant d’une fluidification institutionnelle (dans l’utilisation de ces informations), renvoie à celle des normes, et illustre le risque que la seule chose qui soit structurée soit l’offre, soit « un système d’occasions favorables dans lequel les acteurs sociaux doivent opérer des sélections à la légère, si possible instinctivement (Basso Fossali, 2021:217) ». Plutôt que de l’atténuer en s’en remettant à des critères de « viabilité » (Hanse et Jespersen, 2013:20 ; Viale, 2021:161), assumer la dimension paternaliste des nudges comme des architectures de choix dont ils participent, imposerait au moins de se demander qui décide quoi (Hortal et Segoviano Conteras, 2023), et de ne pas soustraire ces choix à une réflexion publique questionnant non seulement leur effectivité fonctionnelle, mais également leurs fondements et finalités. Un constat s’impose : la techno-régulation, qu’il s’agisse des nudges, des algorithmes exploitant la blockchain, ou des trois réunis, est encore bien loin d’une telle maturité. Reste à savoir si c’est parce qu’elle se trouve à un stade « moins que légal » (Cserne, 2016:173), ou si elle prospère sur le post-légalisme dont semble désormais s’accommoder la modernité.

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[1] Nous n’évoquerons pas les blockchains privées, ou de consortium, caractérisées par leur restriction à un nombre limité d’utilisateurs et de garants.

[2] Le site DeppDAO en recensait près de 20 000 en octobre 2023 : https://deepdao.io/organizations.

[3] Des illustrations supplémentaires sont proposées dans la seconde Partie de cet article.

[4] Les critères de l’hypernudge regroupent ainsi ceux du nudge « classique » et celui du nudge numérique (l’existence d’une interface numérique), auxquels s’ajoutent ces critères systémiques. Ils sont résumés en un tableau par Morozovaite (2021:118).

[5] Finance décentralisée (DeFi), places d’échange décentralisées (DEX), organisations autonomes décentralisées (DAO), applications décentralisées (DApps), Decentralized Plaform, Decentralized Web, Decentralized Social Media, Decentralized/blockchain Gaming, Decentralized Online Dispute Resolution, …

[6] Pour une rapide typologie, V. les catégories listées par https://deepdao.io/organizations (visité le 20/06/23). V. également celles listées par Alexandra Sims dans sa thèse (2021:Chap. 3).

[7] https://terra0.org/ (consulté 20/06/23).

[8] https://www.ethereum-france.com/pour-des-daos-efficientes/ (consulté le 20/06/23).

L’auteur :

Pierre KLIMT est membre du Centre Émile Durkheim – UMR 5116, CNRS, Sciences Po Bordeaux, Université de Bordeaux